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L'observation d'un système depuis un niveau micro (par exemple les lois de la mécanique appliquées à des molécules de gaz) et l'observation depuis un niveau macro (par exemple les grandeurs thermodynamiques) semblent bien différents voire dissociés. Cependant :
Mais comment ces niveaux, a priori distincts, s'influencent l'un l'autre ?

Le niveau intermédiaire ou chaque niveau influence l'autre

Ce niveau intermédiaire, influencé à la fois par les propriétés des constituants et leurs interrelations, ainsi que par les propriétés globales est donc le plus riche, mais aussi le plus difficile à traiter. C'est le domaine de la complexité où émerge des caractéristiques nouvelles.

Parfois, le seuil de validité statistique est repoussé et la complexité s'immisce dans ce que nous appelions le niveau macroscopique. Les phénomènes de chaos permettent une instabilité qui malgré le grand nombre de composant d'un système, permet à un ou quelques uns d'entre eux d'influencer les résultats globaux (causalité ascendante).

Les systèmes en désordre permettent de traiter simplement le niveau macro en utilisant les statistiques. De même les systèmes ordonnés sont plus simples car ils montrent un ordre au niveau global que l'on peut étudier. Mais, comme le montre Stuart Kauffman, les systèmes au bord du chaos - c'est à dire entre l'ordre et le désordre - présentent une tendance spontanée à l'organisation. Il a appliqué cela à l'évolution biologique et montré que l'évolution doit être pensée non seulement à partir de la sélection naturelle, mais également à partir de l'auto-organisation.

La sélection naturelle peut alors être vue comme une influence du macro sur le micro. On parle alors de causalité descendante (downward causation)

Une influence circulaire entre le micro et le macro

Finalement, même si le niveau macroscopique est réductible aux propriétés microscopiques en théorie, il dispose de ses propres lois. Chacun des deux niveaux peut influencer l'autre dans une interaction circulaire :
  • Le niveau des constituants produit du hasard pour explorer les possibles et apporter de la diversité au niveau de la population globale. Parfois, certaines configurations microscopiques modifient le résultat global
    • dans le cas où le nombre de constituants est trop faible pour que les statistiques "gomment" les influences individuelles
    • ou lorsque du chaos permet de propager ces influences individuelles bien au-delà des seuils statistiques habituels
  • Le niveau macro "sélectionne" certains éléments parmi les constituants ou certaines configurations en fonction des contraintes de l'environnement. Pour Paul Antoine Miquel, "la manière dont le tout évolue risque de venir modifier les caractéristiques propres des éléments qui la composent". Il existe deux sorte de constituants qui peuvent ainsi gagner un avantage de survie :
    • les constituants individuelles suivant la sélection naturelle darwinienne telle qu'elle est comprise
    • les combinaisons de constituants dans le cas par exemple de la symbiose qui donne un avantage de survie à cet ensemble. On retrouve ces phénomènes de regroupement à un niveau intermédiaire dans les automates cellulaires de dimensions supérieures à deux.

Développer la coopération

Développer la (c'est à dire faire converger les intérêts individuels et collectifs) est donc une approche utilisant la complexité (c'est à dire l'influence réciproque des niveaux micros et macros). Elle consiste donc a :
  • assurer une diversité au niveau individuel (micro) pour permettre d'explorer les possibles
  • modifier les contraintes de l'environnement pour que la sélection favorise les intérêts convergents
  • permettre les interactions entre les niveaux micros et macros (favoriser l'émergence - la causalité ascendante - et la sélection - causalité descendante) :
    • en restant à un niveau inférieur au seuil de validité statistique (créer des niveaux intermédiaires, des groupes de groupes...)
    • en favorisant un environnement chaotique (pour que les actions individuelles puissent se propager au niveau global pas simplement pour un petit groupe de dirigeants mais pour l'ensemble des membres constituants)

Différence de temporalité entre les causalités émergentes et descendantes

Il y a une différence entre les influences émergentes et descendantes :
  • Les constituants micros engendrent à court terme des phénomènes macroscopiques
  • Mais ces phénomènes macroscopiques exercent une rétroaction sur le long terme sur les éléments constituants
Cela signifie qu'il apparaît des états transitoires - assimilés à des équilibres à court terme - et d'éventuels états asymptotiques assimilés à des équilibres à long terme.

C'est probablement la raison de la possibilité de découper les cycles de maturités dans les groupes (et pour les personnes) en trois étapes :
  1. Enfant : pas d'influences complexes, les participants suivent des règles dictées par une personne et non par l'ensemble du groupe
  2. Adolescent : Les participants ont une influence sur le niveau macroscopique (ils s'approprient le groupe), mais il n'y a pas encore les phénomènes de rétroaction qui permettent de sélectionner les meilleures configurations. On se trouve dans une étape instable ou dans des équilibres à court termes.
  3. Mature : Le cycle d'influence réciproque des participants sur le groupe et de rétroaction sur les participants est en place et permet des équilibres sur le long terme (jusqu'à ce que la structure même du groupe soit elle-même modifiée)
D'après Bernard Fletz, Auto organisation et sélection naturelle, in Sciences et Avenir 143H "l'énigme de l'émergence", juillet/août 2005

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