Notes à partir du livre "Dialectique du Moi et de l’inconscient", Folio essai, 1964 - de C. G. Jung, Die Beziehungen Zwischen dem Ich und dem unbewussten, Ed Rascher, Zurich 1933
Notes du 27 juillet 2002

Le Soi et le Moi

Le Soi est un ensemble complexe de la personnalité qui englobe le conscient et l’inconscient individuel. Il se construit comme une compensation des conflits qui mettent aux prises le monde extérieur (la place de l’individu dans la société) et le monde intérieur (l’inconscient collectif qui est un ensemble de matériaux vivants et agissants impersonnels et collectifs comme des catégories héritées, des archétypes ou des mèmes).

Mais le Soi reste inconnaissable car l’inconscient est un ensemble indissociables de contenus individuels et collectifs. On ne peut donc pas déterminer si chacun des éléments de l’inconscient appartient ou non au Soi
(par exemple, une image collective dans un rêve est souvent le signe d’un problème qui n’est pas seulement personnel avec quelqu’un mais d’un problème personnel plus général ou d’un problème impersonnel).

Le Moi est un complexe qui n’englobe que le conscient. Il doit pour sa part résoudre les conflits entre le monde extérieur et l’inconscient pris cette fois dans sa globalité (aussi bien individuel que collectif).
Le Soi ne s’oppose pas au Moi mais il l’englobe. Le Moi n’y est pas non plus soumis mais « tourne autour » comme une planète autour de son soleil. Le Moi est la partie connue d’un sujet inconnu : le Soi

Le Moi n’est qu’un des complexes autonomes parmi tous les autres. Chaque fois qu’un ensemble complexe est inconscient, il acquiert la possibilité d’agir de façon autonome par exemple sous forme de projection.
« Nous procédons toujours de l’idée simpliste que nous sommes le seul maître dans notre maison »
Par exemple l’inconscient construit une compensation du conscient mais il est aussi capable de création et de spontanéité. Il peut même prendre la direction des opérations de façon autonome. Non pas en fonction d’un plan général comme le conscient mais malgré tout avec un sens, un but. Le sens général de l’action de l’inconscient est la réalisation de soi-même par différentes étapes équivalente à celles des initiations.

les frontières du Moi : persona, anima et animus

La Persona est un ensemble de relations entre la conscience individuelle et la société. C’est le masque qui délimite et isole l’individu. C’est aussi un fragment de la psyché collective : l’image poussée par la société. Mais la société ne pousse à avoir qu’une seule image par individu sinon elle le perçoit comme dilettante, imprévisible ou comme un esprit libre. La persona ne représente donc qu’une partie de l’individu qui est de plus déformée. Pourtant, l’individu a tendance a s’identifier a sa persona lorsque par exemple, il s’identifie avec un poste ou une fonction. Ainsi fondu dans la société, l’individu est en quelque sorte libéré de sa responsabilité individuelle. Un titre est bien souvent un masque pour dissimuler ses propres insuffisances.

L’anima (pour l’homme) et l’animus (pour la femme) sont des ensembles de relations entre la conscience individuelle et l’inconscient. Ils se trouvent à la frontière entre le conscient et l’inconscient.
Le but de l’anima et de l’animus est de rendre possible la relation entre le Moi et l’inconscient.
La Psyché dispose de quatre fonctions opposées deux à deux : la pensée et le sentiment, la sensation et l’intuition. Pour permettre au Moi de dialoguer avec son inconscient, il faut profiter des moments d’émotion.

L’anima (ou l’animus) fonctionne en créant des contenus inverse de ceux du conscient pour compenser le déséquilibre entre ce que croit être le Moi et notre vraie personnalité (le Soi) :
  • L’anima est la source de féminité de l’âme masculine. Il représente la mère, la femme ou l’image collective de la femme. L’homme privilégiant les rapports objectifs, l’anima est donc au contraire une source d’humeur et de caprices inconscients.
  • L’animus est la source de la masculinité de l’âme féminine. Il représente une assemblée de pères. La femme privilégiant les rapports personnels, l’animus est au contraire une source d’opinions inconscients, d’a priori. La femme dispose ainsi d’un arsenal inépuisable d’opinions toutes faites où elle trouvera celle qui semble convenir à la situation donnée. La femme soumise à son animus dira « j’ai toujours raison ».

Première libération : prendre conscience de l’action de l’anima

Le Moi est le plus souvent inconscient de l’anima (ou de l’animus) et de son action dans notre vie. L’anima est dans ce cas un complexe autonome qui est projeté vers l’extérieur comme tout ce qui est inconscient. Alors qu’il ne devrait pas être mêlé aux relations entre le Moi et le monde extérieur, l’anima usurpe le caractère d’une personnalité au lieu d’être une simple passerelle vers l’inconscient.

En particulier, lorsque le Moi s’identifie à la persona
alors l’anima (ou l’animus) compense de façon inconsciente et autonome l’image de la persona et va projeter une personnalité inverse par exemple dans la vie privée sans que le Moi en ait conscience. Le Moi est alors sous l’emprise de l’anima. Si la folie signifie que l’on est assailli par les contenus inconscients, le génie consiste au contraire à maîtriser ces contenus pour être conscient de leurs actions et les amener au niveau de l’abstraction.

Prendre conscience de l’action de l’anima permet de réduire son action. L’énergie psychique, la Mana, au lieu d’être principalement concentrée sur l’anima pour compenser les déséquilibre du Moi peut alors servir à autre chose. Cette énergie psychique est plus large que la libido sexuelle de Freud ou la volonté de puissance d’Adler.

Deuxième libération : prendre conscience de la différence entre le Moi et les contenus ionconscients

Après que le Moi ait pris conscience des contenus inconscients de l’anima et de leurs action sous la forme d’une personnalité, il existe un nouveau risque :

Si l’anima (ou l’animus) est perçu comme appartenant au Moi, alors le Moi va s’approprier une partie de l’inconscient collectif (car on ne peut distinguer les contenus personnels des contenus collectifs dans l’inconscient). Cela représente des qualités et des contenus en dehors de ses propres frontières et mêmes en dehors du Soi. Le Moi subit alors une « inflation psychique ». Il ressent une « ressemblance avec Dieu ». Devant l’ampleur du champ qui s’ouvre au Moi, il croit dominer la Mana. Cela peut se traduire par deux attitudes inverses : une confiance optimiste qui masque en fait un désarroi ou au contraire une résignation morose qui masque en réalité une volonté de domination. Mais il est impossible de réconcilier dans une seule personnalité les contenus contraires du Moi et de l’anima et il intervient alors une dissolution de la personnalité en ses couples contraires.

L’inflation psychique peut aussi mener à une identification à la psyché collective au détriment du de la personnalité individuelle. Cela mène à la folie des grandeurs, à l’inspiration prophétique (ou plus pratique : en adepte d’un prophète pour ne pas en assumer la responsabilité), à une vocation réformatrice ou bien à une aspiration au martyr. Les contenus collectifs auxquels le Moi s’identifie, influent dans sa vie personnelle et dans sa vie sociale et conduisent à une dépersonnalisation au profit d’une importance imaginée. Une solution consiste à reconstruire une persona moindre. Cette « reconstitution régressive de la persona » permet un retour à la vrai dimension de la personnalité, mais ce moyen commode utilisé par des analystes lorsqu’il y a inflation psychique peut conduire à une autre forme de dépersonnalisation.

Dans certains cas (rares) il y a une prise de conscience de l’action des contenus inconscients.
C’est la fonction transcendante. On peut laisser sortir les fantasmes inconscients ce qui transforme le complexe autonome de l’anima. Si le Moi ne cherche plus la prééminence, il ne provoque plus en retour une prééminence de l’inconscient. Dans ce cas, l’énergie psychique, la Mana, se trouve à un nouveau point d’équilibre a mi-chemin entre les tendances contraires. Au lieu d’alimenter la puissance de l’anima, elle peut émerger pour conduire à l’étape suivante de la vie de l’être.

Ce processus de l’individuation permet de se réaliser soi-même, de réaliser son Soi, pour être une pierre dans l’édifice social. Il ne s’agit pas d’une « individualisation » égoïste, mais de s’insérer en temps que personnalité entre les contenus de l’inconscients collectifs et la société. C’est la deuxième libération par la prise de conscience des contenus de la personnalité Mana qui se trouve alors au centre de la personnalité : le Soi inconnaissable (libération du père pour l’homme et de la mère pour la femme). Les contenus autonomes qui existent au delà du Moi représentent « le Dieu en nous ».

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