Animer un groupe n'est pas toujours facile ! Des fois on se sent désarmé face aux multiples choses à prendre en compte et aux difficultés rencontrées...

Je me pose des questionsHeureusement, il y a de plus en plus de savoir-faire partagés dans le domaine de l'animation et la coopération dans le monde francophone. On trouve par exemple des formations sur l'animation de projets collaboratifs (Animacoop en France, Coop-tic en Belgique), des rencontres pour ne pas rester seul face à ses difficultés (Les rencontres Moustic -les prochaines ayant lieu fin mars 2017- et le forum des usages coopératifs à Brest -le prochain en 2018- pour la France, les toutes nouvelles rencontres Co-Construire qui auront lieu fin août à Tournay en Belgique, et je l'espère InnovAfrica qui pourrait redémarrer en Afrique de l'Ouest...). Il y a également une communauté d'animateurs de groupes et de projets -Anim-fr- pour échanger et s'entraider. Et pour ma part, j'ai partagé mon expérience dans un livre disponible en ligne, dans des webinaires et des articles accessibles depuis mon blog et très bientôt des séries de vidéos sur ma chaîne Youtube. Tous ces savoir-faire accumulés constituent ce que j'appelle "l'approche francophone de la coopération".

Mais malgré cela, les plus expérimentés peuvent laisser de coté des questions qui semblent simples mais empoisonnent la vie des moins avancés. Les questions et la façon de les aborder n'est pas toujours la même entre ceux qui partagent leur expérience et ceux qui pourraient en bénéficier (et vice versa car ceux qui sont plus avancés dans un domaine peuvent aussi bénéficier de l'expérience des autres sur d'autres aspects).

C'est pour cette raison que j'ai lancé il y a quelques mois une enquête intitulée "aidez moi à vous aider". Vous avez été 185 à y répondre et les résultats très riches que je vais partager dans cet article vont m'aider à vous proposer des contenus qui répondent au mieux aux besoins de chacun. Je vais ainsi reprendre ma série de wébinaires dans les toutes prochaines semaines. Et j'espère également que vos réponses seront utiles pour les formations, les rencontres et la communauté d'entraide des animateurs.


Voyons un peu vos réponses aux cinq questions qui étaient proposées. J'y ai ajouté quelques formulations intéressantes parmi les réponses (en italique).

1) Quelle est LA principale difficulté, frustration, ou le plus gros PROBLEME qui vous freine dans l'animation de groupes ?   (Qu'est-ce qui vous empêche d'y arriver, et que ressentez-vous à cause de cela ?)

Le grand vainqueur, et de loin, est la difficulté de faciliter l'implication des participants du groupe. Cela provoque pour beaucoup un "essouflement" à force de courir après chacun. L'un des répondant précise "Les participants sont motivés par le projet ou l'idée mais n'arrivent pas à faire leur le développement du projet. ils viennent en utilisateur ou par satisfaction personnelle le plus souvent". La difficulté semble de conserver l'implication sur le long terme. Pour certains, ce sont surtout les "talents" que l'on cherche à détecter et convaincre, pour d'autres il s'agit de "ne pas creuser encore plus d’écart entre ceux qui sont très actifs et sont à l’aise techniquement et ceux qui y passent moins de temps et ont plus de mal à aller vite". Il faudrait pouvoir "permettre à chacun d'avancer à son rythme".

Arrive ensuite la difficulté de faire groupe : comment "prendre le temps de se connaitre et de partager une vision commune" pour faire converger vers un projet commun (tout en prenant en compte la diversité des participants), cela conduit à du "bruit plutôt que de la mélodie". Il y a aussi le manque de temps disponible (ou comment s'organiser pour optimiser son temps), le manque de confiance en soi "l'angoisse de se retrouver seul face au groupe" (que ce soit par timidité et/ou par un sentiment de manque de légitimité) ou encore le comportement de certains (que ce soit le manque d'écoute ou de respect, les luttes de pouvoir et tout ce qui peut mener au conflit) : "Les gens qui se coupent la parole, restent butés sur leur position sans écouter ce que les autres disent, sans argumentaire valable, ça m’énerve profondément"

Beaucoup d'autres difficultés sont ensuite citées : comment présenter quelque chose et se faire comprendre, le manque ou le trop plein d'information, les difficultés faces aux institutions, aux politiques et aux commanditaires dans une "relation de plus en plus marchande", trouver les bons outils et savoir s'en servir, comment démarrer ou réorganiser son groupe, les peurs face aux changement ou à l'ouverture du groupe, les financements (ou aussi comment les participants peuvent "s'investir sans salaire"), l'organisation de débats, de réunions et enfin comment élargir le cercle pour être plus nombreux...

2) Si vous n'arrivez pas à résoudre ce problème, et qu'il perdure pendant un an, 2 ans, 5 ans... Quelles seraient les conséquences négatives pour vous ?

Cette fois c'est la démotivation et l'abandon de l'animation du groupe qui arrive en tête (ou bien la tentation de repasser à un schéma plus directif ou avec beaucoup moins de monde (un "risque de radicalisation de mon attitude en animation [...] et donc une dégradation de l'ambiance"). Les conséquences pour le groupe arrivent presque au même niveau : la communauté meurt, il y a des conflits ou les participants se lassent et partent, sans compter le manque de résultats ou d'avancement des projets qui sont la raison d'être du groupe.

Le terme "frustration" revient souvent avec un sentiment d'échec, d'incompétence et de solitude qui peut aller jusqu'au burn-out. Pour quelques uns cependant ce n'est pas forcément un problème si la communauté s'effondre : "ce sont les participants qui ont cet enjeu" ou encore "l’action a finalement pu se révéler négative ou contre-productive, donc ce n'est pas un problème si on ne peut pas agir".

Plusieurs personnes indiquent qu'en cas de difficulté, cela leur demanderait beaucoup de temps et d'énergie personnelle pour maintenir les projets et faire seul. D'autres craignent une perte de crédibilité personnelle et un beau gachi de temps, de compétences, d'énergie et d'opportunités...

3) Si vous aviez une "baguette magique", et que vous pouviez créer la solution PARFAITE à vos difficultés dans l'animation de groupes, à quoi ressemblerait cette solution ?

Les participants à l'enquête n'ont pas manqué d'imagination mais il ressort deux grandes familles de "baguettes magiques" :
  • des outils simples, complets et à un seul endroit (pour certains y compris pour faire des synthèses diffusées à tous ou pour archiver et indexer les contenus) pour une "communication fluide" avec par exemple "un genre de bâton de parole qui circulerait tout seul"
  • Des participants plus coopératifs, grâce en particulier à leur montée en compétence... ou même de leur mutation en post-humains :-) "doter les participants d'un cerveau fonctionnel et d'oreilles non selectives". Certains incluent également les partenaires et les donneurs d'ordre dans cette "transformation"
Mais les baguettes magiques ressemblent aussi à une boite à outil méthodologique clé en main avec des grilles de questions qui proposent à chaque étape une action, cela y compris pour les aspects corporels et émotionnels afin de ne pas se limiter à la tête (avec même des "méthodes de relaxation pour faire baisser le stress"). Ces méthodologies seraient également utiles pour traiter les situations particulières du groupes comme les conflits. D'autres proposent que le groupe s'auto-organise et devienne corresponsable en se posant la question de savoir si la sociocratie ou l'holocacry ne sont pas au moins en partie ce type de solution ? D'autres encore considèrent que la baguette magique c'est eux, grâce à une montée en compétence ou un changement de posture (et plus de réactivité ce qui semble nécessiter souvent d'avoir plus de temps...). La baguette magique pourrait être aussi la nature elle-même "la solution pourrait venir d'une observation du fonctionnement de la nature".

Parmi les autres "baguettes magiques" citées on trouve pêle-mêle : les liens avec d'autres groupes (avec entre autre "des rencontres internationales de partage"), le plaisir et l'humour, de l'argent et des moyens matériels, de bons résultats pour faire un cercle vertueux, l'élargissement du groupe ou encore des intervenants coordonnés...

4) Si cette solution idéale existait et que vous y aviez accès, quel serait le résultat FINAL que vous pouvez atteindre dans l'animation ? Quelles seront les conséquences positives pour vous, votre organisation, votre entourage ?

En tout premier arrive un meilleur fonctionnement du groupe avec entre autre plus de participation, d'échange et d'entraide, moins de problèmes et de conflits, une plus grande cohérence et une vision commune avec "une organisation plus résiliente et plus agile". Cela permettrait aussi d'atteindre pour certains une auto-organisation afin que le groupe dépende moins de l'animateur ou encore "que l'on se retrouve uniquement pour l'événement festif ou l'activité et non pour des temps d'organisation"...

Les deux éléments suivants arrivent également très haut en score :
  • une meilleure production du groupe en qualité, en temps passé et en intelligence collective
  • des bienfaits pour les personnes (y compris les animateurs...) avec une dynamisation, de la sérénité, du plaisir, du bien-être, de la joie... Mais les participants à l'enquête attendent aussi plus de temps pour autre chose en dehors du groupe (famille, autres projets...) et une plus grande confiance en soi grâce à la réussite du groupe.
Le succès du groupe permettrait égalemet d'apporter au bien commun et de contribuer à changer le monde en étendant les idées et le fonctionnement au-delà du groupe, par exemple "pour ma communauté d'artisans du bâtiment que j'anime et que je rêve de développer au-delà de ma région". . Il contribuerait également à apporter crédibilité et reconnaissance aux participants et aux animateurs.

5) Si vous pouviez avoir une discussion avec moi, et que vous pouviez me poser n'importe quelle question pour profiter de mes connaissances en coopération et intelligence collective : quelle serait votre questions ?

Là encore, les idées ont fusé et certains ont même posé deux ou trois questions :-) Il se distingue cependant quelques grand thèmes :
  • Comment faire : pour faciliter l'implication, pour gérer les difficultés, pour distinguer information, échange et communication, pour faire prendre conscience quand on ne met pas en pratique ses valeurs, "pour prendre en compte ceux qui craignent l'ordinateur"... en résumé : "Comment faire pour allumer des étincelles dans nos projets"
  • Des exemples, y compris dans mes propres expériences et comment les adapter pour prendre en compte nos spécificités : "Racontez-moi votre plus belle expérience d'animation de groupe", "Avez-vous questionné, visité des lieux dans le monde entier ? Qu'est-ce qui selon vous est en train de naitre ?" ;
Et aussi : comment adopter et garder une bonne posture et une bonne organisation, par où commencer (pour démarrer ou pour transformer le groupe en gérant l'opérationnel), "y a t-il des notions à toujours avoir à l'esprit [...] ou des connaissances communes à avoir au sein d'un groupe", et même "pourquoi coopérer" ? Certains enfin ont souhaité une aide ou une implication directe dans leur projet !

Il y a encore bien d'autres questions que je pourrai traiter dans des prochains webinaires, articles ou vidéos !

Et vous ?

Vous vous y retrouvez dans ces réponses ? Certains aspects qui sont importants pour vous semblent manquer ? Mettez dans les commentaires ci-dessous vos suggestions, vos témoignages pour enrichir cette vision des difficultés et des aspirations dans l'animation de votre groupe.

Et si vous ne l'avez pas encore, vous pouvez télécharger gratuitement le "guide de l'animateur : une heure par semaine pour animer une communauté" qui vous donnera un ensemble de méthodes et d'outils pour faciliter l'animation de votre groupe. Je le complèterai prochainement avec des contenus additionnels qui prennent en compte vos commentaires.

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