L’alliance des outils et des hommes


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Depuis le début de cet ouvrage, nous avons parlé en grande partie de ce que font les humains et avons mis en garde contre le danger de se cacher derrière les outils. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas utiliser d’outils, mais plutôt que nous devons nous en servir comme une béquille (pour nous aider à marcher) plutôt que comme une jambe de bois (pour remplacer la jambe).


Une erreur courante est cependant de vouloir utiliser systématiquement un outil. Certaines choses sont encore aujourd’hui faites plus facilement par un cerveau humain. Même avec plusieurs centaines de participants dans votre communauté, vous connaîtrez sûrement mieux les proactifs que n’importe quelle machine. Par contre vous aurez probablement oublié une grande part des observateurs et des inactifs, et les mémoires informatiques vous seront d’un grand secours pour ne pas les abandonner à leur sort (et ainsi éviter de voir se réduire également les plus actifs…)  Nous allons devoir trouver le juste équilibre entre les humains et les outils, sachant que notre objectif est d’obtenir le maximum d’activité et de richesse dans la communauté avec le minimum de temps d’animation.


Une deuxième erreur consiste à chercher un outil qui fasse tout… et si on ne le trouve pas de le redévelopper depuis zéro ! Il existe déjà de nombreux outils qui peuvent nous faire gagner du temps. Vouloir repartir d’un seul outil monolithique c’est s’empêcher d’en choisir certains autres très performants.  C’est également voir certains fonctionnalités vite dépassées par de nouveaux outils qui ont évolué, là où la solution monolithique n’est sans doute pas la meilleure sur chacune des facettes de la coopération qui peuvent nous faire gagner du temps. Si en plus on décide de développer soi-même ou de faire développer “un outil qui fasse tout”, le ticket d’entrée risque d’être salé ! Malheureusement, il est plus facile de financer un développement informatique qu’une animation de communauté. J’ai vu ainsi au cours de ces dernières années mourir un réseau de professionnels du cinéma remplacé par un site vide ; les financements d’une rencontre internationale annuelle de plusieurs centaines de personnes redirigés vers un nouveau réseau social également vide ; et de nombreuses communautés ne jamais décoller ou retomber lorsqu’elles existaient déjà, négligées par leurs animateurs au profit encore une fois des mêmes outils qui étaient sensés justement les aider.


Pour faire avancer les choses : dépasser les limites de l’approche modulaire

Le monde n’est pas tout blanc ou tout noir. Un outil unique monolithique a aussi des avantages : il permet une cohérence entre l’ensemble des fonctionnalités. Pourtant à bien y regarder, beaucoup des relations entre les différentes fonctionnalités se limitent à intégrer les résultats de l’une dans une page de l’autre (ce que l’on peut faire avec des technologies simples telles que les “widgets” ou de façon moins efficace avec des “iframes”). Parfois même les relations se limitent à un simple lien pour accéder à une fonctionnalité depuis une autre. Il y a cependant une information qu’il peut être utile de partager entre les différents outils : l’identification et l’authentification de l’utilisateur.


Faut-il alors choisir entre modularité et identification ? Faut-il imposer pour chaque outil une nouvelle inscription ? A défaut d’une solution plus complète, nous avons fait le choix dans Coop-group de rester modulaire et de n’imposer qu’une seule inscription : celle à la liste de discussion. Tous les autres outils peuvent être utilisés sans inscription. Cela est vrai même pour le wiki de l’espace de partage, les pages de traitement de texte pour les actions en cours ou encore pour l’outil de visio (il suffit de donner un pseudo quand on arrive). Cela est peut être moins satisfaisant pour l’esprit, mais terriblement efficace pour faire gagner du temps aux animateurs comme aux participants et abaisser la barrière à l’entrée. Être identifié sur ces différents outils serait pourtant très utile, mais pas au point de réduire les actifs en leur imposant plusieurs inscriptions ou bien de devoir financer un lien spécifique entre chacun des outils.


Il existe cependant une solution : permettre aux différents outils d’échanger des informations d’identification et d’authentification. On parle de SSO (Single Sign On ou authentification unique). Certains de ces systèmes sont développés spécifiquement pour un ensemble d’outils (mais limitent par défaut leur nombr). D’autres comme Google Connect ou Facebook Connect permettent de s’identifier facilement sur de très nombreux outils mais sont liés à une société (dont le modèle économique repose sur la valorisation de votre profil…).


Je lance un nouveau défit aux développeurs : développer un SSO ouvert, indépendant des fournisseurs, simple à utiliser mais aussi à intégrer dans un outil quelconque, et surtout de réussir à l’imposer sur un nombre suffisant d’outils libres pour inciter d’autres fournisseurs d’outils à l’utiliser. Il existe déjà quelques briques de base telle qu’OpenID, mais il reste du chemin pour en faire une fonctionnalité simple et surtout largement diffusée.


Nous allons voir dans la suite de ce chapitre, une douzaine de fonctionnalités qui peuvent être prises en charge par quelques outils simples. Si vous avez choisi de participer à l’écosystème Coop-group, nous vous proposerons une solution pour chacun de ces outils et vous resterez libre de prendre la solution offerte ou un autre outil de votre choix.


Disposer d’un flux d’information


Nous allons commencer par l’outil de diffusion d’informations. Vous pouvez revenir au chapitre 4 de la première partie : “l’information, premier moyen d’information”. Il existe de nombreuses possibilités pour diffuser un flux d’informations sur internet. A tel point que parfois, certaines communautés ne fournissent comme site qu’un blog ou un groupe Facebook. Elles oublient l’importance de disposer d’un espace de partage qui permet de retrouver les informations indépendamment du moment où elles ont été fournies. L’outil d’information ne sera donc pas la page d’accueil de notre site (que nous verrons un peu plus loin). Il peut être utile cependant de pouvoir intégrer facilement ce flux d’information dans une des pages de l’espace de partage (par exemple quelque part dans la page d’accueil).


Dans l’écosystème Coop-group nous ne fournissons pas un outil spécifique mais nous vous en recommandons deux :

  • soit un blog qui pourra facilement s’intégrer dans une autre page grâce aux “flux RSS” qu’il génère. Il en existe de nombreux tels que Wordpress ou encore Overblog

  • soit une “page Facebook”, qui contrairement au “groupe Facebook”, peut être intégrée dans une page Web et ainsi être facilement accessible à ceux qui n’ont pas Facebook ;

Twitter est également une façon de diffuser des informations courtes et un fil twitter peut facilement être intégré par exemple dans la page d’accueil de la communauté.


Les différents projets de la communauté disposent peut être déjà de leur flux d’information et vous souhaitez y ajouter une veille sur d’autres informations accessibles sur le web. Dans ce cas vous pouvez agréger des flux RSS automatiquement pour constituer un flux d’information global (les outils de site, blog et wiki disposent souvent d’outils pour faire cela).


Exercice : la formation du griot, bloggeur, journaliste ou community manager

Installer un outil de diffusion d’information nécessite des compétences simples mais tout de même nécessaires, n’hésitez pas à vous faire aider par des personnes autour de vous qui ont cette compétence. Une fois cela fait, l’écriture d’articles nécessite très peu de compétences techniques.


Si le journalisme est un métier, c’est qu’il n’est pas évident d’écrire un BON article. Sans chercher à faire de vous un professionnel, vous pouvez cependant vous poser quelques questions :

  • Votre article d’information peut-il tenir sur un seul paragraphe (deux maximum) ?

  • Avez-vous pensé aux QQOQCCP : Qui, Quoi, Où, Quand, Comment, Combien, Pourquoi ?

  • Le vocabulaire et le niveau d’information est-il adapté au public concerné ?

  • Avez vous trouvé un titre percutant et plein


Les rencontres régulières


La première chose très utile pour les rencontres, qu’elles soient en présentiel ou à distance, est de faire un sondage pour trouver une date. Les outils qui proposent de nous aider pour cela sont des exemples d’efficacité : gratuits, très simple à utiliser, sans même avoir besoin de les intégrer aux autres outils (il suffit d’envoyer le lien vers le sondage aux membres), ils font gagner un temps considérable lorsqu’il s’agit de se mettre d’accord sur une date. Fini les interminables aller-retours avec tout le monde qui répond (la mauvaise idée serait de lancer la question de quelle date choisir directement sur la liste de discussion. Tout le monde répond à chacun qu’il peut ou ne pas être libre…). Comme outil de sondage de date, je vous recommande https://framadate.org/ (un outil en logiciel libre) ou si vous devez prendre en compte les décalages horaires, vous pouvez utiliser http://www.doodle.com/ (propriétaire).


Pour trouver la date et l’heure qui conviennent le mieux, il suffit :

  1. d’utiliser l’outil de sondage pour proposer plusieurs dates et heures ;

  2. d’envoyer le lien vers le sondage à la liste de discussion en n’oubliant pas de donner une date limite pour répondre ;

  3. éventuellement de faire une relance sur la liste peu avant la date limite ;

  4. puis de fixer la date qui convient au plus grand nombre.

Si vous souhaitez qu’une ou quelques personnes participent à cette rencontre en particulier (par exemple parce qu’elles doivent y intervenir), consultez les avant, de préférence par téléphone ou en allant les voir, pour fixer quelques dates qui sont possibles pour elles. Vous vous baserez sur ces dates pour proposer le sondage.


Le deuxième outil qui vous sera utile, sera un calendrier que vous pourrez intégrer dans votre espace de partage. Il en existe de nombreux sur le Web qui fournissent un petit bout de code Html que vous pourrez ajouter dans une des pages de votre espace de partage pour intégrer le calendrier. Dans l’écosystème coop-group, nous proposons un calendrier collaboratif qui permet de mettre vos rencontres et événements sur votre espace de partage mais aussi sur un calendrier commun. Vous pouvez également, grâce à lui, inviter d’autres groupes en isnciranvat votre événement dans leur calendrier si vous le souhaitez.


Le troisième outil va nous permettre de prendre des notes ensemble. Vous pouvez utiliser un pad tel que http://framapad.org/ ou un traitement de texte en ligne (dans ce cas, voir un peu plus loin dans ce cahpitre les outils proposés dans les pages actions de l’espace de partage).


Enfin, pour vos rencontres à distance, vous aurez également besoin d’un outil. Il en existe de nombreux. Mais si on cherche un outil gratuit, qui ne nécessite pas de téléchargement et qui peut accueillir suffisament de participants... le choix se réduit très fortement...


Pour en savoir plus : quel outil pour se réunir à distance ?

[Note à supprimer dans la version définitive : cet encadré qui était dans la première partie au  chapitre 5 “des rencontres pour booster les plus actifs” à été déplacé ici pour faciliter le choix d’outil au moment où il doit être fait. Il et a été largement réécrit pour prendre en compte des informations supplémentaires]


Pour réunir une communauté à distance, il faut lui imposer le minimum de contraintes, sinon on risque de ne toucher que les plus proactifs (quelques pour-cent). Par exemple, évitons d’obliger à télécharger une application spécifique que tout le monde n’a pas par défaut sur son ordinateur…


L’outil idéal pour des rencontres à distance sur internet sera :

  • de préférence gratuit et idéalement en logiciel libre ;

  • si possible utilisable sur ordinateur, smartphone et tablette et même dans l’idéal pouvant accepter des participants par téléphone ;

  • n’imposant aux utilisateurs ni téléchargement, ni inscription préalable ;

  • fiable mais ne nécessitant pas de disposer d’un très haut débit ;

  • permettant des rencontres à distance au moins jusqu’à 25 ou 30 personnes ;

  • chaque utilisateur doit pouvoir rejoindre la réunion à distance à partir d’un simple lien, sans nécessiter que l’organisateur de la rencontre ait à l’inviter au préalable ;

  • si en plus l’outil permet d’intégrer un système de prise de note (comme un pad) et qu’il permet le partage d’écran, alors c’est le grand bonheur !


Plusieurs outils existent sur l’internet mais sont limités. Beaucoup comme Skype de Microsoft ou Hangout de Google obligent à inviter chacun individuellement à la rencontre à distance (ils sont par contre assez bien adaptés aux rencontres limitées des groupes  projets où l’on a au plus une dizaine de personnes à inviter). Le nouveau standard : Web RTC permet d’organiser des conférences en audio ou en visio sans rien à télécharger, simplement en rejoignant une page web. Mais s’il fonctionne sur plusieurs navigateurs (Chrome, Firefox, Opera), au moment où j’écris ces lignes (mi-2016), il n’est pas encore opérationnel sur Internet explorer qui est fourni de base avec Windows ni sur Safari, fourni de base avec les Macs. Il semble par ailleurs qu’il a du mal à permettre des rencontres à distance en visio avec beaucoup de participants. Il existe également des outils dédiés à la vidéoconférence comme ceux de Polycom, mais chaque membre de la communauté devrait acquérir un matériel spécifique pour pouvoir participer. Ils disposent parfois d’applications utilisables pour se connecter depuis un ordinateur à certains des réseaux de vidéoconférence, mais elles nécessitent un téléchargement.


En attendant, nous utilisons souvent Flashmeeting de l’Open University : jusqu’à 30 participants, pas d’application à télécharger, une prise en main très simple et efficace (une seule personne parle à la fois), et il fonctionne même avec une connexion à bas débit. Flashmeeting n’existe actuellement que sur peu de serveurs et nécessite un compte pour réserver des réunions (mais pas pour y participer). C’est actuellement une bonne alternative.


Il existe également d’autres possibilités de se réunir à distance, sans la vidéo, par le son et/ou le texte :

  • La réunion téléphonique est un des outils les plus anciens et les plus simples pour échanger de façon synchrone à distance. Cependant lorsque la réunion concerne plusieurs pays, le coût pour les participants peut être élevé. Certains outils de réunion téléphonique proposent des numéros dans plusieurs pays, mais cela reste limité.

  • Les serveurs de “voix sur IP” sont souvent utilisés pour échanger à plusieurs par les adeptes du jeu vidéo en réseau. On trouve par exemple Mumble (en libre), ou encore et Ventrillo (logiciels propriétaires). Ils sont en général très performants (les joueurs ont besoin d’être réactifs…) mais nécessitent que les participants téléchargent un logiciel ;

  • N’oublions pas non plus les chats ! Les chats permettent d’échanger à plusieurs par écrit. Il existe de nombreux outils de chat sur internet dont certains n’imposent pas de créer un compte. Les pads qui permettent d’écrire ensemble sur un même document disposent également souvent d’un chat, les deux outils étant très complémentaires. Il existe également des outils de chat sur smartphone (qui permettent également d’échanger en audio ou en visio mais seulement deux à deux) tels que ou  Viber, ceux-ci doivent être téléchargés et ils sont incompatibles entre eux alors que tout le monde n’utilise pas le même outil …


Exercice : la formation de l’organisateur de rencontre

L’organisateur de rencontres (“convenor” en anglais) n’est pas forcément l’animateur de toutes les rencontres (“chairman” en anglais). Il aura avant tout la tâche de faire en sorte qu’une rencontre en présentiel ou à distance soit organisée régulièrement. Ce rôle peut être rempli par le facilitateur, le leader, ou bien un participant du groupe.


L’organisateur aura besoin de quelques compétences simples pour organiser les rencontres et éventuellement conseiller l’animateur de la rencontre :

  • connaître les outils de sondage en ligne et savoir les utiliser ;

  • savoir ajouter une date sur le calendrier et savoir également la modifier si nécessaire ;

  • éventuellement savoir gérer les décalages horaires ;

  • connaître les différentes phases d’une rencontre pour proposer un ordre du jour ou aider l’animateur à le faire ;

  • connaître quelques méthodes d’animation participatives pour conseiller l’animateur de la rencontre ;

  • savoir mettre en place un système de prise de notes collective (par exemple un pad) et savoir s’en servir ;


Retrouvez tous les épisodes publiés ainsi que d'autres contenus sur http://tinyurl.com/animapproches et échangez sur https://lite6.framapad.org/p/animapproches

Rendez-vous le 29 avril pour le prochain épisode : troisième étape : les moyens d’animation 2/2

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