A quoi çà sert ?


Nous avons vu qu’un des gros intérêts des communautés est de ne pas être seul pour mutualiser et s’entraider. Nous avons vu également qu’elles permettent à des projets ouverts de ne pas être seuls également en leur permettant de disposer d’un premier public, mais aussi en bénéficiant des membres de la communauté pour apporter des idées, une aide ponctuelle. Certains membres pourront même choisir de s’investir dans le projet, permettant ainsi un remplacement naturel de ceux qui le quittent.


De même, plutôt qu’un leader de groupe qui serait seul et ferait tout (et s'essoufflerait), nous avons vu comment pouvait se mettre en place un noyau d’animation avec parfois plusieurs leaders (légitimes mais souvent très occupés), des porteurs de projets (très actifs… sur leur propre projet) et surtout un ou quelques facilitateurs disposant d’une heure par semaine pour assurer le suivi et faciliter le lien entre les projets et la communauté. Certains autres rôles peuvent être pris en charge par des leaders, porteurs de projets ou facilitateurs, ou bien par un ou plusieurs membres de la communauté : diffusion de l’information, organisation des rencontres, modération de la discussion entre les rencontres et enfin “attrapage” des contributions pour les classer dans l’espace de partage.


Grâce à cette organisation, les membres, les projets et les animateurs ne sont plus seuls. Mais comment faire en sorte que la communauté elle-même ne soit pas isolée ? C’est l’objectif de “l’écosystème de groupe” qui va permettre de faciliter les échanges et l’entraide entre plusieurs communautés.


Le groupe noyau


Que les groupes à mettre en réseau existent déjà ou bien qu’il s’agisse de créer un nouvel écosystème, il peut être utile de créer un groupe particulier -le groupe noyau- qui regroupe en particulier les facilitateurs, certains autres animateurs mais aussi tous ceux qui sont intéressés (rappellez-vous, il faut être au moins une centaine pour avoir naturellement une dynamique suffisante avec assez de personnes qui réagissent aux différentes propositions et questions). Cette première initiative va permettre aux animateurs d’échanger et de s’entraider sur les difficultés qu’ils peuvent rencontrer et de monter en compétence collectivement. Ce groupe noyau peut également devenir une “pépinière” de nouveaux groupes qui commencent comme simples projets au sein de ce groupe.

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Exemple : Cyou1, Passer d’un grand carnet d’adresses à un écosystème de groupes

Plusieurs très grandes communautés qui comprennent entre 10000 et 100000 membres sont en fait de simples carnets d’adresses composé de personnes qui se sont inscrites à cette communauté, ce qui permet juste de leur envoyer régulièrement des lettres d’informations et parfois d’avoir quelques commentaires en retour. Mais dans ce type de très grande communauté, il y a souvent malheureusement  peu d’échanges entre les membres eux-mêmes. En effet les communautés actives rassemblant plusieurs projets telles que nous les avons décrites, si elles fonctionnent bien à partir d’une centaine de membres, se limitent souvent à un ou quelques milliers de membres. Lorsque la communauté est trop grande, la plupart des membres se sentent “noyés” et le pourcentage de proactifs et réactifs chute fortement.


Il est donc bien plus intéressant de structurer ce très grand nombre de personnes (entre 10000  et 100000 environ) comme un écosystème de groupes collaboratifs (composés eux-mêmes entre 100 et 1000 environ) qui échangent entre eux.


Cap Science est un musée de sciences, technologies et innovation à Bordeaux. Il avait rassemblé un très grand nombre de personnes qui, après avoir visité le lieu, souhaitaient continuer de pouvoir échanger. Ils se sont donc inscrit à une communauté nommée Cyou. Par ailleurs, la mission des musées évolue et le spectateur qui était auparavant passif pour “visiter des expos”, souhaite de plus en plus être actifs. Au-delà de quelques animations interactives, cela peut aussi se faire en utilisant la compétence en pédagogie du musée pour aider le public à créer des contenus (ici de la science) et développer des projets avec certains visiteurs qui ainsi s’impliquent. Le musée peut même choisir de présenter certains résultats dans ses expositions, permettant à une part de ses visiteurs d’avoir un rôle plus actif et plus impliquant.


Cap Science a ainsi mis en place deux initiatives :

  • un lieu (le 127°) afin de permettre aux visiteurs de se rencontrer et de développer des projets (il comprend entre autre un fab lab pour la fabrication numérique et un living lab pour le développement de nouveaux services) ;

  • un groupe noyau (cyou1 ainsi appelé car il s’agit du premier groupe de Cyou qui devrait se transformer progressivement en écosystèmes de groupes collaboratifs autour des sciences) ;


Obtenir une centaine de membres pour démarrer Cyou1 a été assez simple : une annonce dans la lettre d’information de Cyou a permis de toucher beaucoup de monde. Quelques pourcent intéressés ont suffit pour avoir le nombre minimum de personnes (la croissance se fait ensuite naturellement et aujourd’hui, deux ans après, le groupe comprend près de 400 membres). Le groupe a mis en place un canal d’information (une page facebook), des rencontres régulières (tous les deux mois), des discussions entre les rencontres (une liste de discussion) et un espace de partage (http://coop-group.org/cyou1 en ligne mais aussi le 127° pour un espace de patage en présentiel).


Les rencontres ont permis de faire émerger des projets collectifs ouverts et un premier facilitateur se charge de les suivre. Aujourd’hui ce sont 5 projets qui se développent :

  • Astronomie sensorielle pour découvrir l’espace avec tous les sens (en particulier le système solaire, une comète et la voie lactée “à toucher” pour les aveugles) ;

  • Exolife qui imagine la vie extraterrestre dans les exoplanètes avec les contraintes scientifiques (présentée sous la forme d’affiches pour agence de voyage) ;

  • Tentatives, un podcast d’analyse scientifique de films de sciences fictions (Dune, Elysium, la mouche, Looper, Avatar, Gravity, Troll hunter, Interstellar…);

  • pour découvrir la biologie de synthèse et débattre de ses enjeux (sous forme d’émission vidéo présentant un projet concret et les questions qu’il pose) ;

  • Jeux et lumière hologramme pour créer des hologrammes avec un simple smartphone (bluffant…)


Astronomie sensorielle et sont même en train de devenir progressivement des communautés complètes. Le petit noyau de départ cristallise pour se transformer progressivement en écosystème de groupes collaboratifs en touchant un pourcentage toujours plus grand du carnet d’adresse Cyou.


La fonction première du groupe noyau est de développer l’entraide et les échanges entre les animateurs de groupes et de servir de pépinière pour de nouveaux groupes. Mais il semble également le lieu naturel pour la gouvernance de l’écosystème. Cependant plusieurs pièges se présentent. L’écosystème est une simple mise en réseau de communautés existantes de la même façon qu‘une communauté est une simple mise en réseau de projets et de personnes. Mais nous adorons organiser le plus possible et souvent en commençant par le haut (une approche ascendante ou “top down” comme le disent les anglais). De quelle gouvernance avons nous réellement besoin pour l’écosystème de groupe (le groupe noyau comme tout autre groupes peut avoir une charte, mais ici nous parlons de l’écosystème qui met en réseau tous les groupes). Chaque groupe doit rester le plus autonome possible et le plus important est ce qui se passe en bas : les projets, les initiatives de personnes (ce qui est caractéristique d’une approche ascendante - “bottom up” en anglais). Les communautés et écosystèmes sont le moyen de passage à l’échelle plutôt qu’une fin en soi.


Aller trop loin dans la structuration de l’écosystème risque de faire perdre leur identité aux groupes et de desimpliquer ceux qui sont actifs. Par ailleurs certains groupes peuvent, pourquoi pas, faire partie de plusieurs écosystèmes. Dans le cadre de l’écosystème Coop-group qui rassemble des groupes territoriaux et thématiques qui inventent des solutions pour demain, la gouvernance tient en trois lignes qui décrit les conditions que doit respecter un groupe pour être référencé dans l’écosystème :

  1. votre groupe doit être ouvert à tous ceux qui le souhaitent sans adhésion ni autre restriction

  2. votre groupe doit s'engager à développer le pouvoir d'agir de ses membres

  3. votre groupe doit partager publiquement ses productions (par exemple grâce à des licences de type creative Commons -by -sa)

Si un jour ces règles devaient poser problème pour un groupe donné, alors le groupe noyau pourrait être le bon endroit pour avoir ce débat.


Exemple : le syndrome des fédérations d’associations

J’ai travaillé dans les années 1990 avec plusieurs fédérations d’associations nationales (je ne vous dirait pas lesquelles car je vais plutôt présenter leurs problèmes que leurs bons cotés à des fins pédagogiques…)


Une fois, il s’agissait de développer des groupes thématiques entre les associations nationales membres de la fédération ; une autre fois il s’agissait de mettre en réseau ces fédérations européennes. A chaque fois s’est posé le même problème : les personnes actives au niveau national avaient peu de temps pour faire vivre les échanges au niveau de la fédération. Ceux au contraire qui avaient été beaucoup moins bons et avaient “planté” leur association avaient beaucoup plus de temps disponibles et étaient très volontaires pour “passer au niveau fédéral”. Leur association nationale existait toujours mais plus rien ne s’y passait. Lorsqu’il s’est agit de mettre en réseau des fédération d’associations nationales, j’ai pu également découvrir que des fédérations complètes n’étaient plus représentées que par une seule personne : les associations nationales avaient souvent disparues depuis longtemps ou étaient totalement inactives, mais un président était toujours là comme représentant de l’ensemble des associations nationales et il avait beaucoup de temps pour participer aux rencontres “à haut niveau” entre fédérations…


Une prime à ceux qui savent le moins développer une dynamique collective ? En tout cas il vaut mieux considérer les niveaux dits “supérieurs” comme un simple moyen de faire connaître et de mettre en réseau les initiatives développées par les porteurs de projets qui sont les véritables créateurs de valeur.


Montrer les groupes de l’écosystème pour développer des liens naturels entre eux


Outre un groupe noyau qui permet aux animateurs d’échanger entre eux, il existe un deuxième instrument qui facilite cette fois la mise en réseau des membres des communautés elles-mêmes. Il s’agit de montrer aux membres d’une communauté les autres communautés de l’écosystèmes afin que certains puissent choisir de s’inscrire à d’autres groupes. Ainsi, chaque communauté dispose de membres qui participent à d’autre communautés. Ce n’est pas le cas de tout le monde, mais par exemple dans le cas de coop-group, 12% des personnes sont inscrites dans au moins deux communautés. Cela permet des liens naturels sans nécessiter de temps, ni définir des “rôles officiels” de plus (les “officiers de liaison” comme on les appelle dans les organismes internationaux). Les échanges grâce à des personnes qui appartiennent à plusieurs groupes deviennent très simples: si l’une d’entre elle voit une initiative intéressante dans un groupe, lorsque la discussion dans un autre groupe en vient à un sujet similaire, elle aura tendance à contribuer en présentant l’exemple qu’elle a découvert dans le premier groupe..


Le fait d’avoir dans un même écosystème des groupes thématiques (qui travaillent sur un même thème depuis plusieurs endroits) et des groupes territoriaux (qui travaillent sur plusieurs thèmes sur un même territoire) créée un matriçage qui aide encore aux échanges entre les groupes. Mais les groupes territoriaux peuvent aussi échanger entre eux (lorsqu’un groupe se crée par exemple dans un pays, c’est impressionnant le nombre de personnes d’autre pays qui s’y inscrivent juste pour voir ce qui s’y passe et échanger des idées, surtout si les personnes de différents pays se sont déjà rencontrés auparavant, comme présenté dans l’encadré exemple qui suit). Et bien sûr de nombreux groupes thématiques ont également plein d’avantages à échanger entre eux.


Exemple : , une rencontre pour favoriser les liens entre les groupes

Les rencontres permettent depuis 2009 aux innovateurs d’Afrique et du reste du monde d’échanger entre eux. Cela a permis de développer progressivement des groupes dans plusieurs pays d’Afrique francophone (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cote d’Ivoire, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo).


Lors de la naissance de nouveaux groupes territoriaux, les créateurs ont en général rencontrés à les membres des autres groupes. Certains de ces derniers  s’inscrivent naturellement dans le groupe du nouveau pays. L’entraide s’est aussi développé... pas toujours des groupes les plus avancés vers les nouveaux d’ailleurs, mais aussi l’inverse !. Cela parfois au prix de deux jours de car, juste pour s’entraider et se revoir…


Outre les groupes territoriaux, il y a de nombreuses thématiques abordées lors des forums (falabs, tiers lieux, santé, énergie, cartographie, applications mobiles, etc.). Là aussi les échanges sont nombreux, aussi bien entre les membres d’un même groupe thématique venus de partout (Afrique, Europe, Canada, etc.) qui profitent de l’occasion pour se rencontrer ; mais aussi entre membres de groupes différents. Pour prendre un exemple Tidiane Ball, un médecin malien qui avait développé un site pour trouver les lieux de santé les plus proche, à découvert au forum 2012 à Dakar au Sénégal, un ensemble de développeurs qui créent des passerelles entre le web et des serveurs téléphoniques vocaux ou SMS (Emerginov). Quelques temps plus tard est né une nouvelle application qui permet à toute personne qui dispose d’un simple téléphone de trouver les lieux de santé les plus proches de là où il se trouve. Les exemples de ce type sont nombreux. Non seulement grâce à cette rencontre en présentiel, mais aussi parce que plusieurs participants de chaque communauté participent à d’autres.


Mettre en place un espace qui permet de découvrir tous les groupes qui font partie d’un écosystème peut se faire facilement en rassemblant simplement sur une même page une liste des groupes avec un bref descriptif, un lien vers le site du groupe et un lien vers la page d’inscription.


Dans le cas de Coop-group, nous avons profité que l’outil Yeswiki initié par Outils Réseaux rassemble à la fois des wikis et une base de donnée pour créer très simplement une base de donnée des groupes de l’écosystème (et d’autres écosystèmes d’ailleurs).


Pour en savoir plus : une base de donnée plutôt qu’une plate-forme unique

Dans le cadre de l’écosystème coop-group, certains groupes ont souhaité des outils que nous avions mis en place (wiki pour les espaces de partages, liste mail pour les discussions en ligne, outils de visio pour les rencontres à distance et même un catalogue de projets stimulants…). D’autres ont souhaité avoir (ou conserver) leur site avec des outils parfois différents.


Nous avons donc développé une base de donnée qui permet non seulement de créer automatiquement une page pour l’écosystème (afin de mettre à disposition des information sur chaque group) mais aussi de générer automatiquement un wiki pour ceux qui le souhaitent avec par défaut un certain nombre d’éléments préconfigurés grâce à la base de données (tous étant modifiables). Techniquement, l’écosystème coop-group n’est donc :

  1. qu’une simple base de donnée sur les groupes qui acceptent d’en faire partie (tout en pouvant tout à fait participer à un autre écosystème également),

  2. des outils proposés pour les différentes activités du groupe, que chacun peut choisir d’utiliser ou non

  3. et enfin une page qui permet d’accéder aux différents groupes : http://coop-group.org/


Les informations recueillies pour chaque groupe sont les suivantes (elles suivent bien sûr les différents conseils donnés dans ce livre). Suivant les groupes, certaines de ces informations n’existent pas ou ne sont pas pertinentes, très peu sont donc obligatoires.


Les 4 seules informations obligatoires :

  • le nom du groupe ;

  • une description courte en une ligne ;

  • le type de groupe : thématique, territorial ou groupe support (comme anim-fr, les helpers ou kaleidos-coop) ;

  • un nom court utilisé pour les adresses web et mail (sans espace) ;

Des informations complémentaires sur le groupe :

  • une description plus complète en un ou deux paragraphes ;

  • des mots clés pour le groupe ;

  • une liste de partenaires éventuels du groupe (avec un logo et un lien) ;

  • un pays ou une région (pour les groupes territoriaux) ainsi que le positionnement sur une carte ;

  • le nombre de membres (pour l’instant, à défaut d’être automatisé, il se met à jour à la main de temps en temps, mais au moins, donne un ordre de grandeur...) ;

  • un bandeau (une image de 1920X160) ;

  • Le niveau d’activité du groupe (en préparation, actif, ou archivé pour les groupes arrêtés) ;

Et enfin des liens vers les différents services du groupe

  • La page d’accueil du groupe (qui peut intégrer plusieurs des services ci-dessous) ;

  • La page d’information  (par exemple sur Facebook, blog ou twitter) ;

  • La page des rencontres (avec un calendrier et éventuellement un espace de rencontre en ligne) ;

  • La page pour les discussions en ligne entre les rencontres  (le plus souvent les archives de la liste mail) ;

  • La page des actions et projets en cours (qui mène à l’espace de partage pour chaque projet) ;

  • La page des ressources (pour les liens vers les contenus plus finalisées qui peuvent être utiles également pour les non membres) ;

  • Une page pointant vers une liste de projets stimulants (nous disposons d’un catalogue de projets en ligne) ;

  • La page d’inscription… et de désinscription (parfois l’inscription n’est nécessaire que pour la liste de discussion, d’autre fois elle peut servir pour plusieurs services) ;

  • La liste des membres ;

  • La page administration (elle pointe par exemple vers la fiche de description du groupe et vers le document de suivi des projets) ;

  • La page de suivi des projets et actions en cours pour le ou les facilitateurs  ;


Les mots clés associés au groupe permettent de plus, d’utiliser la même base de donnée pour plusieurs écosystèmes de groupes. Il suffit par exemple d’ajouter le mot clé “cyou” dans les groupes de cet écosystème pour pouvoir faire très facilement une page regroupant tous les groupes de l’écosystème Cyou. Cette page peut être intégrée dans un site approprié grâce à la technique des “iframes” ou des “widgets”.


Helpers


Outre le fait de monter un groupe noyau et et de montrer aux membres des communautés les autres communautés pour que certains s’y inscrivent, il y a une troisième chose qui peut être utile pour avoir un écosystème de groupes qui échangent et s’entraident : quelques personnes pour aider les animateurs à organiser et faire vivre leur groupe.


La plupart des personnes qui montent des communautés ne sont pas des professionnels de ce domaine. Elles sont intéressées avant tout par une thématique (santé, énergie, éducation…) ou un territoire (généralement là où elles habitent). Bien sûr les animateurs peuvent utiliser ce livre -et c’est même un des buts de celui-ci…- et avoir de l’aide grâce au groupe anim-fr, qui rassemble d’autres animateurs de groupe (il est présenté dans la partie suivante), mais l’animation de communauté est un vaste nouveau domaine de connaissances. Même après avoir été formé, il peut être utile de se sentir accompagné dans des moments importants de la vie de du groupe.


Un petit groupe de bénévoles s’est mis en place dans l’écosystème coop-group appelé les “helpers”. Ses membres connaissent les méthodologies présentées dans ce livre et, pour la plupart, ont suivi une formation à la coopération, le plus souvent Animacoop . Le rôle des “helpers” est d’aider les animateurs à mettre en place ou réorganiser leur groupe afin de faciliter son fonctionnement tout en y passant le moins de temps possible (voir la partie II : mettre en place ou réorganiser son groupe pas à pas), mais également, une fois cela fait, d’aider les facilitateurs dans leur travail de suivi du groupe. Pour cela, une fois le groupe organisé, les helpers suivent ensuite régulièrement cinq indicateurs d’activité :

  1. mise à jour régulier du document de suivi des projets et actions du groupe par les facilitateurs ;

  2. organisation régulière de rencontres (en ligne ou en présentiel) ;

  3. diffusion régulière d’informations ;

  4. activité normale de la liste de discussion (ni trop ni trop peu) ;

  5. mise à jour de l’espace de partage ;


Le fait que ces cinq activités existent ne garantie pas que le groupe fonctionne sans problème, mais si elles ont lieu et qu’un problème apparaît, le facilitateur et les membres du groupe s’en rendront compte. Ils pourront alors résoudre cette difficulté par eux mêmes, en posant des questions sur la liste anim-fr ou bien encore en demandant directement de l’aide aux helpers ou à d’autre personnes compétentes. Par contre, si le groupe ne se réunit pas régulièrement ou si les porteurs de projets ne sont pas relancés régulièrement pour savoir où ils en sont et les inciter à communiquer avec le reste de la communauté, alors “la mayonnaise peut retomber” et le groupe peut très bien ne plus être actif sans que personne ne s’en rende compte à temps…


Les helpers sont donc là, à la fois pour accompagner les groupes qui souhaitent démarrer ou se réorganiser mais aussi pour détecter les difficultés qui ne sont pas immédiatement visibles et alerter le facilitateur ou le groupe. Dans l’introduction nous avons vu la notion “d’aveuglement paradigmatique” (la jeune femme et la vieille femme, ou encore le gorille que l’on ne voit pas…).  Ce qui est difficile à détecter (sans des indicateurs et des vérifications régulières) ce sont les activités manquantes du groupe surtout lorsque l’on se focalise - ce qui est normal - sur les activités qui fonctionnent !


Exemple : comment meurt une activité

Dans une communauté en ligne thématique très internationale, un des membres à proposé de se retrouver tous les mois pour une réunion en ligne qu’il organisait. Ces rencontres marchaient très bien et permettaient de nombreux échanges de savoir faire entre les participants. L’organisateur, bien que très actif et très sollicité par ailleurs, trouvait le temps une fois par mois de lancer un sondage pour trouver une date.


Un jour, la date prévue n’a pas été possible pour une raison probablement toute bête que tout le monde a oubliée depuis. pris par de nombreuses autres activités, l’organisateur a oublié de relancer un nouveau sondage et ces rencontres à distance se sont arrêtées, malgré tout leur intérêt…


L’action du facilitateur est justement, au sein du groupe de relancer le porteur d’une action pour que celle-ci ne s’arrête que si on en a fait le choix volontaire. Mais que se passe-t-il si le facilitateur lui-même, pour une raison quelconque interrompt son suivi  régulier et, pris par d’autre choses, oubli de le reprendre ? L’action du “helper” au sein de l’écosystème est justement de relancer les facilitateurs pour qu’ils continuent leur suivi tant qu’il n’a pas fait le choix d’arrêter et de passer la main...


Une mise en réseau des écosystèmes de groupes : Anim-fr & Kaleidos-coop


Les projets collectifs (quelques personnes) se rassemblent dans une communauté (typiquement entre 100 et 1000 membres) pour leur bénéfice mutuel. Des communautés échangent entre elles et s’entraident au sein d’un écosystème (environ entre 10000 et 100000 personnes touchées). Mais peut-on aller plus loin dans le passage à l’échelle avec une mise en réseau d’écosystèmes de groupes ?


Tout comme pour les communautés et les écosystèmes, il ne s’agit pas d’imposer des normes aux niveaux précédents ni de prendre une partie de leur identité, mais simplement de les aider à s’entraider et à échanger tout en faisant en sorte que les bonnes idées puissent circuler et que des mutualisations puissent aider chacun (construire une approche ascendante plutôt que descendante). Un réseau d’écosystèmes doit donc être encore moins structuré qu’un écosystème de communautés qui le sera moins qu’une communauté de projet collectifs…


Dans ce que nous avons pu tester jusqu’à présent, une mise en réseau de plusieurs écosystèmes émerge alors même qu’il n’a pas de nom ! Elle s'appuie sur deux simples communautés de support qui permettent des échanges et de l’entraide entre les communautés des différents écosystèmes simplement parce que des membres de ces écosystèmes en font partie. Ces deux communautés ont été pensées au départ au sein d’un écosystème mais de façon naturelle, parce que la mutualisation fonctionne d’autant mieux que l’on est nombreux, d’autres groupes en dehors de l’écosystème et d’autres écosystèmes les ont rejoint.


La première “communauté support” est Anim-fr (http://coop-group.org/anim-fr/). Elle rassemble les acteurs francophones impliqués dans l’animation de projets et de communautés collaboratifs. Elle permet non seulement à un animateur de poser des questions pour être aidé par les autres, mais aussi d’échanger la veille et les savoir-faire afin de monter en compétence collectivement. Ce groupe a aussi permis de tester de nouvelles approches comme par exemple des débats en intelligence collective. Dans le cadre de l’écosystème Coop-group, les facilitateurs sont tous inscrits sur anim-fr. Quant aux autres animateurs de communauté (leaders, porteurs de projets…) ils se sont vu proposés pour ceux qui le souhaitent d’y participer également.


La deuxième “communauté support” est Kaleidos-coop (http://kaleidos-coop.org/). Elle rassemble tous ceux qui créent du bien commun au service des communautés : développement de logiciels et de services en ligne pouvant être utilisés par les communautés, formations et accompagnement sur la coopération,  accompagnement économique des communautés et porteurs de projet… Cette communauté s’est ouverte plus récemment à tous les groupes et écosystèmes qui le souhaitent et devrait permettre de mutualiser de nombreux services  pour le bénéfice de toutes les communautés.


A retenir : mutualiser l’entraide au-delà de la communauté

Les communautés, tous comme les projets collectifs et les personnes tirent un grand bénéfice à échanger avec d’autres et à mutualiser leurs efforts. C’est tout l’intérêt du passage à l’échelle avec les écosystèmes de communauté.


La mise en réseau de communautés au sein d’un écosystème n’est pas une fin en soi mais plutôt un moyen pour faciliter l’entraide, l’échange, la circulation des bonnes idées ainsi que le passage à l’échelle grâce à la mutualisation et la reproduction des meilleurs idées. L’écosystème doit rester peu structuré et respecter l’identité des communautés qui le rejoignent (et qui peuvent d’ailleurs très bien participer à plusieurs écosystèmes…). L’écosystème peut proposer trois choses pour faciliter les échanges entre les communautés :

  • Un groupe “noyau” pour permettre aux facilitateurs et aux personnes les plus actives des groupes de s’entraider et de monter en compétence collectivement ;

  • Un groupe de personnes maîtrisant la méthodologie collaborative (appelé “les helpers” dans Coop-group) pour aider les animateurs à mettre en place ou réorganiser leur groupe et ensuite pour les aider à identifier les manques dans les activités du groupe ;

  • Un espace pour présenter à tous les autres communautés afin de favoriser l’inscription à plusieurs communautés  de certains des membres et ainsi faciliter naturellement les échanges entre elles ;


D’autres  groupes peuvent même faciliter les échanges non seulement entre des communautés mais également entre des écosystèmes de communautés . Deux ont émergés et se sont ouverts progressivement pour faciliter une mise en réseau des écosystèmes de groupes :

  • La communauté Anim-fr qui rassemble des acteurs francophones de l’animation de projets collectifs, de communautés et d’écosystèmes :

  • La communauté Kaleidos-coop qui rassemble ceux qui développent des services pour les communautés : logiciels et services en lignes, formation à la coopération, accompagnement économique...


 

Retrouvez tous les épisodes publiés ainsi que d'autres contenus sur http://tinyurl.com/animapproches et échangez sur https://lite6.framapad.org/p/animapproches

(Des exercices, des exemples et des compléments sont ajoutés au fur et à mesure)

Rendez-vous le 4 mars pour le prochain épisode, synthèse de la première partie : que faut-il retenir ?

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