Dès que possible, faites le check-up des faiblesses du groupe


Maintenant que votre communauté est organisée et fonctionne, elle va également atteindre des moments particuliers de son histoire. Ceux-ci sont souvent des périodes difficiles à vivre, même s’ils ne sont pas tous négatifs pour l’évolution du groupe. Traiter en détail ces différents moments prendrait un nouveau livre complet, mais il est possible de faciliter considérablement le passage de ces moments clés à condition de comprendre ce qui arrive et de savoir le partager avec le reste du groupe. Ivan Maltcheff qui accompagne des dynamiques collectives dans des entreprises et dans la société civile définit ainsi quatre étapes pour “dissiper le brouillard” afin d’avancer :

  1. savoir reconnaître et nommer la situation

  2. sortir rapidement du déni et partager avec le groupe

  3. faire émerger les non-dits, les ressentis, les frustrations, les craintes

  4. dessiner les sorties possibles


Les difficultés peuvent être accentuées par des lacunes dans l’organisation du groupe. Le premier diagnostique doit donc porter sur celles-ci. Nous avons appris à le faire dans les précédents chapitres. Bien sûr il vaut mieux profiter de “l’état de grâce” à la création de la communauté et quoi qu’il arrive ne pas attendre les moments difficiles pour identifier et traiter les faiblesses du groupe. Je vous renvoie à la carte proposée au tout début de cet ouvrage et au questionnaire qui vous permet d’identifier ce qui manque dans l’organisation du groupe. Il est utile de refaire ce “check-up” régulièrement pour voir si les évolutions que vivent naturellement le groupe n’ouvrent pas de nouvelles faiblesses.


La méthode ICE est une façon rapide d’identifier un certain nombre de manques dans une communauté. Vous pouvez l’utiliser pour faire un point rapide de votre communauté ou pour faire une première analyse d’une nouvelle communauté que vous rencontrez :

  1. I pour Implication : avez-vous quelques personnes qui s’impliquent (comme porteurs de projet et aussi un facilitateur) ?

  2. C pour Communs : avez-vous des communs accessibles facilement par exemple sur votre espace de partage (définition du groupe, règles de fonctionnement, valorisation des productions…) ?

  3. E pour Echanges : avez-vous des échanges à tous les niveaux (entre les plus actifs qui participent aux réunions et le reste de la communauté, avec l’extérieur du groupe pour faciliter l’arrivée de nouveaux membres…) ?


Le diagnostique de la situation… plutôt que celui des personnes


Nous avons vu que ce qui se joue est le plus souvent au niveau des rôles plutôt que celui des personnes qui les portent. Ainsi par exemple, vous même êtes probablement proactif, réactif, observateur et inactif suivant les groupes dont vous faites partie. Une personne donnée peut avoir des prédispositions pour endosser tel ou tel rôle, mais peut suivant le cas (ce dont la situation a besoin), endosser pratiquement n’importe quel autre. J’ai ainsi vu des spécialistes de la coopération agir sans en avoir conscience comme des “leaders négatifs” dans des groupes qui vivaient leur “crise d’adolescence” et d’autres personnes plus habituées à détruire qu’à construire, prendre pourtant un rôle important dans la reconstruction d’un collectif. Nous jouons sans le savoir à des jeux psychologiques où nous nous mettons dans un rôle d’accusateur, de victime, ou autre. Tout est question de situation et des rôles que nécessitent cette situation.


Exemple : les rôles tournants dans le triangle de Karpman

Un des cas les plus spectaculaire de dissociation des rôles et des personnes est celui où trois personnes se retrouvent dans une situation conflictuelle. Si l’une à le rôle de bourreau et une autre le rôle de victime, la troisième peut prendre le rôle de sauveur. Mais ces rôles sont symboliques et très rapidement se mettent à tourner : le sauveur devient bourreau, le bourreau victime, etc. On parle en analyse transactionnelle de “triangle dramatique” ou de “triangle de Karpman”.


Vous pensez sans doute pouvoir vous en rendre compte si cela vous arrive et ainsi gérer sans mal la situation, ? Mais je peux vous affirmer qu’à mon corps défendant je me suis retrouvé plusieurs fois à l’occasion de situations particulières, dans les rôles de sauveur, victime et… bourreau. Lorsque cela vous arrive, si finalement vous en prenez conscience, il n’est pas facile d’expliquer que vous avez agit en bourreau comme un simple jeu de rôle inconscient… Les autres personnes peuvent même prendre le rôle que vous avez joué comme une révélation de votre vrai nature et vous faire basculer du statut de la personne de bonne volonté et coopérative à celui de “vilain canard”qui n’est pas cohérent avec les valeurs qu’il défend !


Morale de l’histoire : ne mélangez pas les rôles et les personnes et ne croyez pas que vous n’endosserez jamais un rôle. Au contraire, cherchez à comprendre les rôles comme un indicateur de la situation plutôt que comme révélateur d’une personne.


Mais nous avons l’habitude d’associer la personne à son rôle. D’ailleurs lorsque nous rencontrons une personne pour la première fois, nous lui demandons souvent “ce qu’elle fait dans la vie” pour mieux lui coller un rôle, une étiquette. C’est effectivement dommage, mais le nier ne ferait qu’affaiblir notre capacité d’analyse. Nous allons donc devoir prendre conscience de notre premier jugement sur les personnes, puis dans un deuxième temps, chercher volontairement à identifier les rôles et en quoi ils sont révélateurs d’une situation particulière dans le groupe. Essayons si possible également, comme nous l’avons vu, de ne pas conserver notre jugement sur  les personnes à partir du rôle qu’elles ont endossé. Mais cela est particulièrement difficile à faire tant notre inconscient est conditionné à juger le plus rapidement possible puis à rechercher uniquement les informations qui le confirment. “Notre mode de pensée et nos habitudes nous conduisent à vouloir donner des réponses souvent accompagnées de jugements, avant même de ressentir et d’entendre entre nous et à l’intérieur de nous ce qui se passe dans le groupe”.


Identifier six moments clés différents dans un groupe


La première étape lorsque survient une situation particulière, est d’être capable de la reconnaître et de la nommer. Il existe de nombreux cas de figure, mais nous allons en analyser quelques uns des plus courants avec à chaque fois des indicateurs pour nous permettre de les identifier. Parmi eux, les rôles nous seront très utiles pour repérer ces moments clés. Attention, il est tout à fait possible de cumuler plusieurs de ces moments clés !


-1- L’essoufflement : après l’euphorie du démarrage (ou du redémarrage) du groupe, les idées se retrouvent confrontées au réel et le soufflet à des chances de retomber. Si la synergie entre équipes projets et communauté fonctionne bien, certains projets s’essouffleront tout de même sans pour autant contaminer la communauté. Il restera suffisamment de projets pour donner aux membres une image positive et active de la communauté. Cependant, même avec une organisation irréprochable, l’activité de la communauté peut présenter un creux. Un des indicateurs en est la baisse du nombre de participants aux rencontres régulières. Cette phase est cependant tout à fait normale. Si elle est identifiée et reconnue comme telle, la baisse de participation ne devrait pas s’accentuer trop. Comprendre qu’il s’agit d’une période provisoire permet d’avoir un peu de patience et d’éviter le cercle vicieux de la désimplication.


-2- La vague de désabonnements : lorsque le groupe a vécut une baisse d’activité et que celle-ci se développe à nouveau, il est normal que certains parmi les moins actifs veuillent sortir du groupe pour réduire les informations qu’ils reçoivent de nouveau. Le problème est que cela peut vite devenir une épidémie : de même que la présentation de plusieurs personnes va inciter des membres à se présenter à leur tour, le desabonnement de certains va pousser d’autres membres à faire de même. Même si vous avez un lien direct pour permettre à ceux qui le souhaitent de se désinscrire, certains feront leur demande par un message visible de tous dans l’outil de discussion en ligne. Pour éviter la contamination, utilisez la “modération d’urgence” si votre outil de discussion en dispose et répondez publiquement à la demande de désabonnement. Indiquez dans ce message que vous allez désinscrire la personne afin de rassurer sur le fait que l’on n’est pas piégé dans le groupe, mais qu’il vaut mieux que ceux qui le souhaitent se désabonnent à partir du lien indiqué en bas de mail et que vous pouvez rappeler. Ensuite, desinscrivez la personne et modérez les messages quelques jours pour ne laisser passer que ceux qui concernent le groupe. Vous traiterez les message de demande de desabonnement individuellement.


-3- La crise d’adolescence : la plupart des groupes s’appuient au départ sur un ou quelques fondateurs qui ont un rôle central. On parle de “groupe enfant” (on peut assimiler un groupe à un être collectif qui passe par différentes étapes d’évolution). Tout comme pour les humains, le groupe doit à un moment donné acquérir sa propre personnalité indépendamment de ses “parents”. Cela se fait en général en se positionnant contre le ou les animateurs du groupe (crise d’adolescence) avant d’atteindre sa propre autonomie (phase adulte). Cette période intervient souvent aux environs des deux ans. Elle peut intervenir plus tôt, vers 18 mois, en particulier lorsqu’il y a conflit. Mais certains groupes restent longtemps sous la coupe de leurs fondateurs. On parle alors de “groupes Tanguy”. La crise d’adolescence est souvent une phase difficile mais nécessaire. Elle est marquée par l’émergence d’un leader négatif (encore une fois il s’agit d’un rôle et non pas d’une personne qui serait négative) ou par une coalition contre le leader ou les animateurs. Cette phase est d’autant plus délicate qu’il faut à la fois conserver l’historique et les valeurs initiales du groupe et permettre de nouvelles évolutions indépendamment du leader. Une façon de détecter la crise d’adolescence est de voir comment se plaint le leader : s’il dit “personne ne fait rien”, le groupe est enfant, s’il souffre car  “personne ne m’aime” le groupe est adolescent et s’il se lamente “je ne sert plus à rien “, le groupe est adulte ! Le chapitre suivant donne des pistes pour traiter les moments particuliers.


-4- La transmission de tensions : Si des tensions peuvent arriver à l’occasion d’une nouvelle phase dans l’évolution du groupe. D’autres émergent des échanges (des avis différents dans une discussion) ou encore arrivent de l’extérieur, apportées par des membres. Une des particularités des tensions est qu’elle se transmettent et mutent rapidement comme des virus, au point de ne plus savoir rapidement d’où elles sont issues. Par exemple, un des membres de la communauté a des difficultés en famille ou pour toute autre raison. Son comportement va être influencé par les tensions en lui. Il va les transmettre à d’autres membres du groupe. La source apparente du conflit sera différente de la véritable cause de la tension qui elle est extérieure au groupe. Ceux qui reçoivent ces tensions peuvent à leur tour les transmettre sur un sujet tout autre. Rapidement, il devient difficile d’identifier la cause première ou même la personne qui a apporté la tension dans le groupe. La difficulté est que tout se passe généralement de façon inconsciente. Même si nous sommes très conscient et vigilant, les tensions nous rendent inconscients... La question n’est donc pas tant d’identifier une des personne qui a transmis les tension (même si certains sont plus sensibles aux tensions que d’autres, ils ne sont que les maillons d’une chaîne qui peut venir de l’extérieur du groupe). Il s’agit avant tout de repérer le fait qu’il y ait ces tensions, de stopper tout autre activité pour cherche avant tout à les expurger. Il existe plusieurs façons de traiter des tensions : la violence ou la fuite qui sont inscrit dans notre cerveau reptilien, celui que nous utilisons lorsque nous sommes en danger, ne donne pas ici de bons résultats. D’autres stratégies peuvent être proposées par ceux qui sont suffisamment extérieurs aux échanges pour avoir pu rester conscients : la médiation, la communication non violente, le rire, la bienveillance, les excuses et même la gratitude pour ce qui a été accompli auparavant.


-5- Le Troll sort du bois : il existe une autre forme de tensions en dehors de celles inhérentes à l’évolution du groupe et celles transmises inconsciemment par les membres. On qualifie de “Troll” quelqu’un qui génère des polémiques. Mais pour ne pas le confondre avec les cas précédents, il faut qu’il y ait une provocation intentionnelle dans le but de nuire. Comme il s’agit d’un jugement - donc subjectif - sur la volonté consciente de nuire d’une personne, nous avons tendance à classer comme Troll toute personne qui transmet inconsciemment des tensions ou prend le rôle de leader négatif. On utilise même parfois ce qualificatif sur une personne dans le but conscient ou inconscient de la décrédibiliser et de l’exclure. Une fois un véritable Troll identifié, les arguments rationnels n’aideront malheureusement pas à résoudre le problème. Une des pistes consiste à “ne pas le nourrir” mais plutôt à l’ignorer ou ne lui donner aucune matière à polémiquer (en anglais cela se traduit par la règle “don’t feed the Troll”). Cela n’est pas  une chose aisée car si le Troll se sent ignoré ou insatisfait, il aura tendance à tenter de réenflammer la discussion. Les solutions auxquelles on peut penser pour se débarrasser d’un véritable Troll, celui qui cherche tout à fait consciemment à polémiquer et nuire, ne fonctionnent pas toujours.


-6- Le départ d’un des rôles clés : il est tout à fait normal qu’un membre de la communauté, même parmi les plus actifs, s’éloigne au bout d’un certain temps. Cela peut être dû à la lassitude, à des divergences avec le reste de la communauté, ou tout simplement à des raisons personnelles. Si la personne qui s’en va cumule plusieurs rôles (créateur, leader, facilitateur et même seul porteur de projet), la situation peut être critique et le créateur peut vite devenir le fossoyeur de son propre groupe. Si par contre les rôles sont mieux répartis, la situation peut être plus facile à gérer. Le départ d’un leader s’il est peu impliqué dans le groupe, peut faire perdre un peu de légitimité mais pas plus. Le départ d’un porteur de projet peut parfois signer la fin de son projet mais la communauté n’en souffrira pas trop si elle en a plusieurs autres. Avec l’organisation que nous avons proposée, le seul départ qui peut être dangereux pour la communauté est celui du facilitateur qui assure le suivi de l’ensemble des projets et actions. C’est pour cela qu’une des seules obligations impérative du facilitateur est de prévenir s’il ne souhaite ou ne peut plus assumer son rôle temporairement ou définitivement, afin que la communauté puisse lui trouver un remplaçant. Bien sûr, plus la personne qui souhaite s’éloigner de la communauté préviendra à l’avance, plus il y aura de possibilités de trouver un remplaçant sans avoir à subir une interruption et même avec une période de recouvrement pour assurer le transfert du savoir-faire. De ce point de vue, la bonne volonté de celui qui part facilite fortement la transition. A contrario, l’association à la fois départ d’un des membres ayant un rôle d’animation et d’un des cas de tension décrits (points 3, 4 et 5) doit être traité avec beaucoup d’attention, si possible avec l’ensemble du groupe.


Partager le diagnostique avec le reste du groupe


Une fois que l’on a diagnostiqué le ou les moments clés que traversent le groupe, l’étape suivante consiste à les partager avec le reste du groupe. La première étape était difficile à cause de la baisse du niveau conscience dûe à la tension. Nous pouvions au moins espérer qu’une des personnes dans le groupe puisse avoir le recul suffisant pour analyser correctement la situation (peut être pas vous…). Mais partager ce diagnostique avec les autres membres de la communauté pose un problème redoutable, trop souvent sous-estimé : les protagonistes (peut être vous…) refuseront le diagnostique, quitte à arriver à des arguments totalement irrationnels. La cause se trouve au coeur même de notre nature humaine.


La nature a doté les animaux - dont l’homme - de deux modes de réaction rapide pour faire face au danger, avant même d’avoir pu l’évaluer de façon plus complète : l’attaque ou la fuite. S’il fallait attendre les quelques secondes que nécessitent une réponse plus analytique par notre cortex préfrontal, nos chances de survie seraient fortement diminuées. Chez l’homme, ce comportement attaque/fuite peut prendre de multiples formes : par exemple l’agressivité, voire l’argumentation excessive d’un coté, ou bien le retrait social ou la toxicomanie de l’autre. D’un autre coté, nous les humains avons un avantage de survie assez particulier : nous ne courons pas vite, nous ne sommes pas fort et nous ne savons pas voler, mais nous savons faire des alliances jusqu’à douze. Ainsi par exemple, les chasseurs-cueilleurs pouvaient se relayer pour veiller pendant que d’autres dormaient. Cela leur permettait de réagir suffisamment rapidement en cas d’attaque. Mais cet avantage a un revers : il induit un nouveau danger en plus de ceux extérieurs auxquels sont soumis les animaux : le risque d’exclusion sociale. En effet, qui dit alliance dit possibilité d’entrer ou de sortir de cette alliance. Aujourd’hui encore, quelqu’un exclu, que ce soit dans des sociétés traditionnelles avec le bannissement ou dans la société moderne, peut se retrouver seul et à la rue. Il peut réellement en mourir !


L’exclusion social représente le danger pas seulement de mourir physiquement mais aussi plus fréquemment de “mourir symboliquement” en perdant la face par exemple. C’est le cas si nous sommes mis en défaut. Nous risquons de perdre l’amour des personnes autour de nous ou plus simplement de nous trouver déconsidéré au sein du groupe. Devant ce risque, nous utilisons nos réflexes habituels : l’attaque ou la fuite ! Mais cette fois ces comportements sont mal adaptés à ce nouveau danger. S’excuser si on s’est trompé par exemple, serait bien plus approprié pour retrouver la considération du groupe. Mais cela demande plus de “temps de cerveau”. Nous ne pouvons adopter des réactions efficaces que si la tension due au risque est suffisamment faible pour nous permettre de rester conscient et choisir des stratégies plutôt qu’une simple réaction de survie. Certains font l’hypothèse que l’humain est en train de faire émerger une troisième réponse en cas de stress ou de danger : la sociabilité. Mais dans le cas général, nous devons reconnaître que la crainte de l’exclusion sociale nous pousse - tous - à des réactions irrationnelles et inappropriées.


La question n’est donc pas tant de savoir si vous pouvez avoir un comportement irrationnel d’attaque ou de fuite lors d’une phase de tension dans un groupe, mais plutôt de savoir quand. Nous devrions apprendre à connaître notre limite au-delà de la quelle nous allons déclencher une réaction mal adaptée d’attaque ou fuite (qui peut être dans un cas de l’agressivité, mais aussi simplement un besoin de justification et dans l’autre cas, le départ du group ou tout simplement le mutisme). Si vous acceptez votre propre limite au stress et au danger, vous accepterez plus facilement la limite des autres (qui peut être plus basse ou plus élevée suivant les personnes et ce qu’elles vivent par ailleurs dans le reste de leur vie).



Exercice : aime -moi ou je te casse la G... !

Deux personnes, appelons les A et B, discutent ensemble sur un sujet quelconque.

  1. A donne un argument et B propose un autre argument

  2. A se rend compte que si l’argument de B est juste, alors le sien doit être faux (ce qui, contrairement à notre intuition logique, peut ne pas être vrai)

  3. A perçoit un danger : s’il dit des choses fausses, B va le rejeter (danger d’exclusion sociale)

  4. la réaction de A au danger est immédiate : il faut montrer à tout prix à B qu’il a tort… ou sortir de la discussion (attaque/fuite)

  5. évidemment, tout cela s’est passé trop rapidement pour impliquer la conscience (moins de 400 millisecondes pour chaque réactions) notre système nerveux autonome responsable des réactions non volontaire a pris les devant...

Moralité : pour éviter d’être rejeté par l’autre il faut lui en mettre plein les dents !


Notre capacité de réaction face au danger (notre nature) associée à ce que nous avons intégré de la logique (notre culture), peut faire des ravages...


Je vous propose de trouver trois cas de figure dont vous vous rappelez, où vous avez assisté à cette scène avec des rôles différents :

  • Vous êtes C, un tiers qui observe la scène

  • Vous êtes B et vous vous faites opposer des arguments irrationnels, éventuellement avec agressivité

  • Vous êtes A et vous percevez les arguments de B comme un danger

Bien sûr, c’est le cas où vous êtes A qui est le plus difficile à se souvenir (mais pas impossible…). C’est celui où à coup sûr, vous étiez inconscient. C’est pourtant celui qui vous en apprendra le plus sur votre limite au danger et au stress, probablement plus basse que vous ne l’imaginez… et sur les limites des autres.


Tout cela pour dire qu’il n’est pas facile de partager une information sur le groupe... avec le groupe. Si nous avons identifié l’endroit exact du noeud qui complique nos relations collectives, nous n’avons pas proposé pour autant de solutions qui ne nient pas notre nature humaine ou notre culture. Nous pouvons aider à ce qu’au moins une personne du groupe fasse le bon diagnostique. Nous pouvons également proposer des méthodes pour que le groupe, une fois le constat identifié et partagé, puisse trouver ensemble des solutions (nous verrons cela dans le prochain chapitre). Mais nous sommes assez démunis pour faire en sorte que le diagnostique soit acceptable par le plus grand nombre (y compris parfois par nous même…).


Pour faire avancer les choses : comment partager sans mettre en danger ?

Pour avancer sur la gestion de la tension dans les groupes, nous pourrions nous concentrer sur comment partager avec d’autres un constat qui les implique (même si ce n’est pas un jugement de personne mais une analyse de rôles), sans que cela déclenche une réaction immédiate face au danger perçu d’exclusion sociale.


Une question plus difficile qu’il n’y parait :  tout travail sur soi repousse les limites mais ne les supprime pas. De plus nous ne pouvons pas faire l’hypothèse que seuls ceux qui auront réussit ce changement personnel pourront participer au groupe, si nous souhaitons mettre en place une grande communauté. Nous allons devoir, comme pour les autres méthodes proposées dans cet ouvrage, trouver le moyen de mettre en place l’environnement favorable qui permettra de contourner cette difficulté sans faire l’hypothèse que chacun soit “a priori” parfait !


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Rendez-vous le 3 juin pour le prochain épisode : Partie III faire vivre la communauté - Au fait, pourquoi on fait tout çà ?

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