2. Les neuf lois de la coopération
livre "la coopération, nouvelles approches" version 1.1
Deux enfants veulent utiliser le même jouet et se chamaillent. A la fin, l'un d'entre eux repartira avec le jouet, il y aura un gagnant et un perdant. Parfois même, le jouet finit cassé et les deux enfants repartent bredouille.
L'altruisme n'est pas un comportement universel
Existe-t-il des solutions pour qu'une coopération s'installe ? Bien sûr on pourrait imaginer une solution altruiste où chacun ferait passer l’intérêt collectif avant son intérêt personnel, mais cet espoir très souvent entendu s’est peu réalisé dans l’histoire de l’humanité. A chaque fois que l'on a cherché à imposer un comportement altruiste, cela s'est traduit par une utopie ou bien par un système répressif. Ce dernier exige des comportements sociaux par la contrainte, et génèrent du même coup des experts en contournement des règles dans une escalade sans fin entre toujours plus de règles et de contraintes d'une part et toujours plus d'habilité à les détourner d'autre part.
Le pouvoir de contrainte pour gérer les projets
Une solution consiste à exercer un pouvoir de contrainte (un pouvoir coercitif) pour obliger les participants à collaborer au projet. Le lien hiérarchique ou le contrat commercial pour un service ou un produit permet à un "commanditaire" d'imposer sa demande. Ce système fonctionne bien et a permis la mise en place de nombreux projets. Il a cependant des limites et nous souhaiterions proposer une autre démarche qui comporte un certain nombre d'avantages et d'inconvénients par rapport à cette approche traditionnelle. Il ne s'agit certainement pas de supprimer tout projet basé sur le pouvoir de contrainte, mais plutôt de mieux comprendre les cas de figures où une gestion basée sur la coopération volontaire est mieux adaptée.
La base : Agir sur l'environnement plutôt que de contraindre les personnes
Nous vivons dans un monde où tout bouge, où l'environnement lui-même se modifie sans que nous puissions à l'avance savoir comment. Cela est souvent perçu comme un inconvénient et il devient en effet difficile de planifier des actions.
Mais sautons le cap. Cet environnement toujours changeant peut-il au contraire devenir une chance et servir de base à de nouvelles opportunités ? Plutôt que de pleurer sur la perte d'un monde statique, pouvons nous profiter des nouvelles possibilités d'un monde dynamique ?
Une fois le passage accomplis, nous pourrons ainsi profiter d'un nouveau trésor qui récompensera les immenses efforts qu'il nous a fallut déployer pour sauter le fossé entre deux mondes. L'environnement vu de ce coté devient un corps mouvant. Le meilleur et le pire y passent comme une succession d'images rapides. Nous pouvons en maximiser les effets les plus intéressants et réduire les effets négatifs. Nous devenons les artisans d'une sculpture éphémère en perpétuel mouvement.
Jusqu'à présent, pour inciter un groupe à aller dans un sens commun, il n'existait que la coercition ou l'espoir que chacun fera le choix de lui-même. Une troisième alternative s'offre à nous : façonner un environnement favorable à la mutualisation des efforts. Chacun sera poussé non par contrainte ou par altruisme mais parce que, par exemple, l'environnement fait que son intérêt propre rejoint l'intérêt du groupe. "Nous commençons par former des structures, ensuite ce sont elles qui nous forment" (Sir Winston Churchill)
Proposer une méthode de gestion de projet basée sur la coopération volontaire, c'est proposer des règles pour façonner en continu un environnement favorable à la coopération. Comme tout art, celui-ci comporte ses secrets que nous allons chercher à découvrir ici.
Le premier secret : Réconcilier l'intérêt individuel et collectif
Peu de personnes sont prêtes spontanément à agir dans l'intérêt collectif lorsque celui-ci va dans le sens contraire de leur intérêt propre. Si nous cherchons d'autres voies que l'exercice d'un pouvoir de contrainte, il nous faut également abandonner l'altruisme comme point de départ. Une piste cependant semble plus prometteuse : peut-on faire en sorte que l'intérêt individuel aille dans le même sens que l'intérêt collectif ?
Bien évidemment, si on ne considère plus que les hommes doivent changer avant toute action collective, ce sont l'environnement et les règles de fonctionnement eux-mêmes qui devront changer.
Le deuxième secret : Multiplier les possibilités sans qu'aucune ne soit critique
La coopération signifie que des actions sont menées en commun.
Pourtant, il n’existe pas de solution absolue qui ferait en sorte que toute personne concernée coopère et le fasse de façon efficace. Cela nous amène à une nouvelle question : comment faire en sorte que le projet ait le minimum de risque d'échec ?
Bien sûr cette question est également vraie pour un projet traditionnel. Mais la spécificité des projets coopératifs et leur fragilité rendent la question encore plus stratégique. Les réponses données seront également souvent différentes pour bénéficier des aspects spécifiques à la coopération.
Dans certains cas de figures, une personne se trompe, agit en sens contraire ou même n’agit pas du tout et tout l’édifice fragile de la coopération s’effondre. A l'inverse, dans d'autres cas de figure, chaque personne qui apporte une bonne pierre est utile à l'ensemble de la communauté sans que personne ne soit indispensable.
Cela veut dire que le projet doit disposer d'un maximum d'opportunités mais ne doit se suffire que d’un pourcentage minimum de personnes coopérant pour fonctionner. Cela nécessite également que très peu de tâches soient réellement critiques pour qu'aucune des opportunités n'aboutissant pas ne mette en péril le projet.
Le troisième secret : Faciliter le passage à l'acte.
Il reste un dernier point à envisager. Même lorsque son intérêt personnel est en jeu, une personne n'agit pas toujours.
La décision de passage à l’acte pour coopérer à un projet se fait de façon brutale, tel un basculement. Elle se réalise lorsque la somme de toutes les incitations dépasse un certain seuil (le neurone dans le cerveau humain fonctionne d’ailleurs de cette façon.) La théorie du chaos [PRI] décrit bien ce basculement irréversible.
Exemple de réaction chaotique |
Un chien est acculé contre un mur et a peur. Il peut avoir deux réactions : la fuite ou l'attaque. A un moment donné, de façon quasiment imprévisible, il va basculer dans l'un ou l'autre des comportements. Les comportements humains sont basés sur un système similaire. Lorsqu'il y a une certaine pression pour faire un choix (lorsque le seuil de passage à l'acte est atteint), l'attitude de coopération ou d'abandon s'opère comme un basculement souvent irréversible. |
La transformation d’un membre passif en contributeur actif dépend donc à la fois des différentes incitations et de la hauteur du seuil. L'incitation peut être positive pour nous motiver à agir ou au contraire négative lorsque la personne perçoit un risque à agir. Ces trois paramètres (motivation, risque et hauteur du seuil) nous permettent de mieux comprendre comment favoriser le passage à l'acte.
Les lois de la coopération
Nous cherchons à favoriser l'émergence de comportements de coopération et le développement de résultats collectifs. Nous avons cherché pour cela à identifier plusieurs lois qui permettent d'agir sur l'environnement pour le rendre plus favorable à la réussite du projet.
Pour réaliser ces 3 actions sur l'environnement, le porteur peut s'appuyer sur des lois qui lui facilitent son travail. Ces quelques lois simples mais fondamentales sont décrites en détail dans les chapitres suivants.
La réconciliation de l'intérêt individuel et collectif est favorisée par :
- Un environnement d'abondance qui provoque des mécanismes de contrepartie collectifs (nous verrons que l'abondance est plus fréquente qu'on ne le croit généralement dans certains domaines).
- La mise en place d'une communauté qui multiplie les interactions multiples entre les membres.
- Une nouvelle façon d'évaluer les résultats a posteriori qui implique l'ensemble de la communauté.
Pour multiplier les possibilités sans qu'aucune ne soit critique il faut :
- Réduire les besoins de départ.
- Minimiser au maximum les tâches critiques pour pouvoir en garder la maîtrise.
- Avoir du temps devant soit pour maximiser les opportunités.
Les personnes passent à l'acte grâce à :
- La motivation par la reconnaissance, le plaisir et l'apprentissage.
- La minimisation des risques perçus.
- L'abaissement du seuil du passage à l'acte par la simplicité et la réactivité.
La coopération est obtenue en agissant sur l'environnement plutôt que par la contrainte des personnes. Le monde actuel en perpétuel mouvement aide à façonner l'environnement pour arriver aux trois conditions qui facilitent la coopération :
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Par J-M Cornu | Avant | 24/12/2004 09:57 | Après | Coopération | 3 commentaires | Lu 13026 fois |
par Cornu, le Vendredi 19 Mai 2006, 16:44
Merci pour vos commentaires.Répondre à ce commentaire
En fait il me semble que l'idée de la coopération n'est pas basé sur le besoin d'être altruiste plutôt qu'individualiste, mais plutôt sur un autre point de vue :
Comment l'intérêt collectif et l'intérêt individuel peuvent converger plutôt que diverger.
On pourrait représenter ces deux vues sous forme d'un petit tableau
Intérêts individuels et collectifs convergents Intérêts individuels et collectifs divergents altruisme Bien pour la personne ET pour le groupe va à l'encontre de l'intérêt de la personne individualisme Bien pour la personne ET pour le groupe va à l'encontre de l'intérêt du groupe
Ce petit tableau montre qu'une façon d'agir est non pas d'essayer de transformer les personnes (en fait d'ailleurs nous sommes à la fois un peu altruiste et un peu individualiste), mais plutôt de modifier l'environnement pour que les intérêts convergent de nouveau. Les différentes lois proposées vont dans ce sens en particulier les trois premières qui sont ce qui m'a semblé permettre de faire en sorte que l'intérêt de la personne soit d'aller dans le sens collectif.
Commentaires
1 - Coopérationpar Marchal, le Dimanche 7 Mai 2006, 14:37 Répondre à ce commentaire