Le grand jour !

Vous avez un projet et celui-ci est suffisamment avancé pour que des contributeurs puissent s'y intéresser. Vous avez défini les règles du jeu et adapté votre projet pour que celui-ci puisse bénéficier au mieux des lois de la coopération. Vous avez vos premières personnes intéressées pour tester ou mieux contribuer à votre projet. Tout est prêt pour le grand jour : vous allez pouvoir ouvrir votre projet à la coopération !

Vous entrez dans une nouvelle phase où vous allez devoir

  • Faire en sorte d'avoir l'environnement le plus favorable possible
  • Avoir une communauté attirante
  • Adapter continuellement le projet
  • Faciliter les contributions et ensuite les intégrer
  • Encourager les mécanismes de contreparties

Nous avons déjà rencontré ces 5 tâches du coordinateur lorsque nous avons cherché à définir les règles du jeu. Celles-ci vont nous servir de base pour construire nos outils de coordination au quotidien.

Préserver un environnement favorable

Nous avons vu qu'un des aspects de l'art du coordinateur était de trouver l'abondance là où elle était parfois peu évidente, de la préserver et de veiller à ce qu'elle soit bien répartie. Mais nous avons également vu que l'environnement changeait continuellement. Posez-vous à chaque instant la question suivante : Votre environnement ne devient-il pas moins favorable ? Ou au contraire avez-vous une opportunité de rendre l'environnement plus favorable à votre projet ou votre projet plus favorable à l'environnement ?

Pensez-y en permanence, rêvez en la nuit et vous trouverez des trésors cachés là où vous vous y attendez le moins. Ceux-ci seront bien utiles pour favoriser votre projet.

Une question pour maîtriser son environnement
Comment avoir la matière de base du projet en abondance ? Même question sur le temps de maturation et la sécurité matérielle

Avoir une communauté attirante

Animer une communauté est un peu comme composer un morceau de musique : On trouve au sein du même morceau des rythmes lents et rapides avec parfois des brisures de rythmes. Les harmonies peuvent être très variées. La mélodie se met en place avec des thèmes qui reviennent régulièrement (les refrains dans les chansons) et des développements qui construisent une progression. Tout un art !

Pour s'aider, le musicien écrit ses notes sur des partitions. Nous pourrons également utiliser quelques documents de base pour mieux suivre la vie de notre communauté. Ces documents font partie des tâches critiques et il vaut mieux en conserver la maîtrise de la mise à jour.

L'un des documents clés est l'historique. Ce document conserve la trace des diverses contributions intégrées au projet. Il est fondamental pour favoriser l'estime à l'intérieur et à l'extérieur du groupe. Puisqu’un contributeur n'a pas de tâche critique, il ne peut qu’apporter des plus ou au pire des contributions inutiles. L’historique ne reflète donc que des contributions positives. Les aspects positifs ou négatifs de la vie de la communauté ne sont pas inclus dans l'historique qui se concentre uniquement sur les résultats obtenus par le projet. Eric S. Raymond [RAY2] présente comme le plus grand crime qui puisse exister, le fait de retirer quelqu’un d’un historique.

Les sept règles du jeu que nous avons proposées pour une communauté ouverte et équilibrée peuvent être suivies efficacement en maintenant quelques documents de base et en se posant continuellement plusieurs questions. Créer et maintenir ces documents peut sembler un travail supplémentaire. Peu de personnes sont conscientes qu'il s'agit au contraire du meilleur investissement en temps pour un coordinateur. Avec très peu temps consacré à leur mise à jour, il évite de nombreuses dérives qui consomment ensuite un temps considérable pour redresser la barre.

Cinq outils de pilotage et trois questions pour gérer sa communauté

Il y a cinq documents dont le coordinateur doit conserver la maîtrise et qu'il doit suivre très régulièrement pour faciliter la gestion de sa communauté :

  • La charte : Ce document court définit quelques principes de fonctionnement de la communauté et l'objectif général du projet. Il est possible de se baser sur les règles du jeu proposées
  • L'annuaire : Ce document de travail doit faciliter la vie du coordinateur en identifiant au mieux les contributeurs, leurs compétences et leurs coordonnées. L'annuaire définit plus des compétences que des titres exclusifs.
  • Le plan d'actions : Ce document, régulièrement remis à jour permet au coordinateur de suivre l'avancement des travaux. Il présente également la décomposition du projet en sous-projets. Cette décomposition se fait progressivement en fonction du nombre de contributeurs pour leur permettre de toujours se voir
  • L'historique : Il s'agit de la mémoire du groupe. C'est un point capital pour la reconnaissance de chaque personne ayant contribué. Retirer quelqu'un de l'historique est la pire chose que l'on puisse faire. Il faut au contraire garantir une stabilité et une longévité à ce document
  • La liste des résultats obtenus : Contrairement à l'historique, ce document ne se focalise pas sur les contributions mais sur les résultats principaux obtenus collectivement. Souvent le groupe n'a pas une notion claire de l'importance des résultats accumulés au fur et à mesure de son activité et ce document est important pour lui donner confiance en lui.

Les trois questions à se poser continuellement sur sa communauté sont :

  • Les membres se voient-ils à long terme dans la communauté, tout en pouvant la quitter à tout moment ou participer à d'autres ? Ont-ils de nombreux contacts à l'extérieur pour avoir la possibilité d'y trouver tout ce qu'on ne trouve pas dans la communauté ?
  • Les membres de la communauté ont-ils du plaisir à être ensemble, ont-ils créé des références communes et sont-ils solidaires ou au contraire pensent-ils en voyant un autre agir "c'est son problème" ?
  • Avez-vous mis des soupapes en place pour évacuer les tensions inévitables d'une communauté qui "mijote" un projet ? Un cycle mimétique est-il en train de se mettre en place ?

Quelle est la maturité de votre communauté ?

Il existe une autre question importante à se poser régulièrement sur sa communauté : Quel est son degré de maturité ? Contrairement à ce qui se passe trop souvent, chaque étape de la vie d'une communauté ne doit pas être gérée de la même façon. Il est donc critique de bien connaître et comprendre les différents stades de maturité d'un groupe.

Nous avons vu qu'un groupe commençait par une phase de préparation plus fermée qui doit permettre au coordinateur d'offrir un projet suffisamment définit dès le départ. Il doit ensuite construire son identité pour développer le sentiment d'appartenance et de confiance au sein de la communauté. Il doit ensuite rassembler ses membres autour d'un travail commun sans être dépendant d'aucun d'entre eux (y compris le coordinateur lui-même qui peut passer la main). De même, le groupe doit préserver son identité et ses objectifs tout en s'ouvrant à d'autres groupes, à de nouveaux membres ou à de nouveaux contributeurs.

L'encadré ci-dessous sert à identifier le niveau de maturité d'un groupe. Lorsqu'il arrive à un certain niveau, il doit remplir les critères de tous les niveaux précédents.

Les degrés de maturité d'un groupe

0) Phase de Préparation

0.1 Idée définie et écrite dans un texte court

0.2 Première concrétisation du projet par le futur coordinateur

0.3 Identification de la façon de présenter le projet en fonction de la cible

1) Mise en place de l'identité de la communauté

1.1 Acceptation par les premiers membres d'une charte du groupe et d'un plan de travail

1.2 Des valeurs et un langage commun

1.3 Premiers résultats d'un travail commun

Lorsque la communauté est constituée, deux aspects différents de maturité peuvent se développer en parallèle, à leur vitesse propre.

A) Développement des Contributions

A.1 Les contributions viennent de plusieurs personnes et pas seulement du coordinateur

A.2 Des personnes prennent en charge des parties du projet et impliquent d'autres contributeurs

A.3 Des sous-projets apparaissent

B) Indépendance du projet vis-à-vis de ses membres

B.1 Liens avec d'autres groupes

B.2 L'identité de la communauté est préservée lors de l'arrivée de nouveaux utilisateurs et contributeurs

B.3 L'identité de la communauté est préservée lors de changements de contributeurs majeurs ou de coordinateur

Adapter continuellement le projet

Plutôt que de figer le choix de ce qui doit être réalisé avant le début du projet comme c’est souvent le cas, la coordination de projets coopératifs se fait par opportunités. Le coordinateur définit uniquement les grandes orientations et l’esprit qu’il souhaite donner.

Le coordinateur redéfini le projet à chaque instant. Il doit cependant garantir sa cohérence tout en minimisant les contraintes et maximisant les opportunités. Si une évolution du projet va naturellement chercher à mieux l'adapter à la situation ou à saisir de nouvelles opportunités, il ne faut pas oublier d'autres aspects : Ne pas ajouter de nouvelles contraintes et le garder simple à comprendre.

Trois questions pour adapter son projet
  • La nouvelle présentation du projet réadapté s'intègre-t-elle de façon cohérente avec le passé et est-elle simple à comprendre
  • Les objectifs sont-ils définis sous forme de "le plus possible de..." plutôt qu'avec des résultats annoncés à l'avance du type "ceci ou cela sera fait..." ?
  • La nouvelle orientation prise ajoute-t-elle de nouvelles contraintes (en particulier des contraintes financières) sur le coordinateur ou la réalisation du projet ?

Intégrer les contributions

La mise à jour du projet permet d’intégrer les corrections et améliorations proposées (et éventuellement d’en proposer soit même...).

Vous devrez choisir d'intégrer ou non les contributions que l'on vous fournira. Même si une contribution n'est pas sollicitée et sort de ce que vous attendiez a priori, sachez voir si elle peut apporter un plus et si vous pouvez l'intégrer de façon cohérente. Par ailleurs, il vous faudra aussi savoir distinguer les vrais contributions des simples affirmations de position que vous ne pourrez pas intégrer.

Trois questions pour intégrer les contributions
  • Attendez-vous de vos contributeurs des contributions simples, courtes, parallélisables et non critiques ? Si pratiquement personne ne contribue pendant un temps ou si quelqu'un ne tient pas ses engagements votre projet est-il en danger ?
  • Votre projet sera-t-il mieux en remplaçant ou en refaisant des parties ? Pouvez vous réutiliser des morceaux venant d'ailleurs ? Comment pouvez-vous intégrer une contribution que vous n'attendiez pas ?
  • Réagissez-vous immédiatement lorsqu'il y a un débat ou une demande dans votre groupe ?

Encourager les contreparties

Pour gérer l’équipe de contributeurs, le coordinateur doit avoir un rôle de facilitateur. Pour cela, il doit d’une part être très à l’écoute de ses utilisateurs, ensuite être très attentif à la reconnaissance individuelle et au plaisir des contributeurs, et finalement proposer une satisfaction collective par une vue constante des améliorations.

Comme nous l'avons vu précédemment, le rôle du coordinateur n'est pas d'apporter directement la reconnaissance aux contributeurs, mais de veiller à ce que les mécanismes de contreparties tels que l'estime se mettent bien en place dans le groupe.

Deux questions pour que chacun y trouve son compte

  • Lorsque quelqu'un apporte un élément positif au groupe ou au projet, le reste de la communauté est-elle au courant ? En reçoit-il de l'estime dans un processus d'évaluation collectif subjectif et continu ?
  • Avez-vous donné à vos meilleurs contributeurs des titres opérationnels au risque de lancer une course à la recherche de reconnaissance a priori ? Avez-vous, au contraire, simplement proposé des rôles non exclusifs pour les inciter à contribuer et à s'approprier des morceaux ?

Pour gérer au quotidien son projet, le coordinateur dispose d'outils précieux :

Un ensemble de documents de pilotage à mettre à jour régulièrement

  • Charte, Historique, Annuaire, Plan d'Actions, Résultats Obtenus (CHAPARO)

Une liste de douze questions à se poser continuellement :

  1. Comment avoir la matière de base du projet en abondance ? Même question sur le temps de maturation et la sécurité matérielle
  2. Les membres de la communauté se voient-ils à long terme dans la communauté, tout en pouvant la quitter à tout moment ou participer à d'autres ? Ont-ils de nombreux contacts à l'extérieur pour avoir la possibilité d'y trouver tout ce qu'on ne trouve pas dans la communauté ?
  3. Les membres de la communauté ont-ils du plaisir à être ensemble, ont-ils créé des références communes et sont-ils solidaires ou au contraire pensent-ils en voyant un autre agir "c'est son problème" ?
  4. Avez-vous mis des soupapes en place pour évacuer les tensions inévitables d'une communauté qui "mijote" un projet ? Un cycle mimétique est-il en train de se mettre en place ?
  5. La nouvelle présentation du projet réadapté s'intègre-t-elle de façon cohérente avec le passé et est-elle simple à comprendre
  6. Les objectifs sont-ils définis sous forme de "le plus possible de..." plutôt qu'avec des résultats annoncés à l'avance du type "ceci ou cela sera fait..." ?
  7. La nouvelle orientation prise ajoute-t-elle de nouvelles contraintes (en particulier des contraintes financières) sur le coordinateur ou la réalisation du projet ?
  8. Attendez-vous de vos contributeurs des contributions simples, courtes, parallélisables et non critiques ? Si pratiquement personne ne contribue pendant un temps ou si quelqu'un ne tient pas ses engagements votre projet est-il en danger ?
  9. Votre projet sera-t-il mieux en remplaçant ou en refaisant des parties ? Pouvez vous réutiliser des morceaux venant d'ailleurs ? Comment pouvez-vous intégrer une contribution que vous n'attendiez pas ?
  10. Réagissez-vous immédiatement lorsqu'il y a un débat ou une demande dans votre groupe ?
  11. Lorsque quelqu'un apporte un élément positif au groupe ou au projet, le reste de la communauté est-elle au courant ? En reçoit-il de l'estime dans un processus d'évaluation collectif subjectif et continu ?
  12. Avez-vous donné à vos meilleurs contributeurs des titres opérationnels au risque de lancer une course à la recherche de reconnaissance a priori ? Avez-vous, au contraire, simplement proposé des rôles non exclusifs pour les inciter à contribuer et à s'approprier des morceaux ?

Une grille pour mieux connaître l'état de maturité de son groupe et s'y adapter

  1. Phase de préparation (idée, première concrétisation, présentation)
  2. Mise en place de l'identité de la communauté (charte et plan de travail, valeurs et langage communs, premiers résultats communs)

Les étapes suivantes se déroulent en parallèle à leur vitesse propre :

  1. Développement des contributions (plusieurs contributeurs, prise en charge de parties du projet, mise en place de sous projets)
  2. Indépendance du projet vis-à-vis de ses membres (Liens avec d'autres groupes, arrivée de nouveaux utilisateurs-contributeurs, renouvellement de contributeurs majeurs ou du coordinateur

#cooperation28 Livre sur la

Répondre à cet article