3.1 Les trois niveaux d'acteurs
Livre "la coopération, nouvelles approches" version 1.1
Le système fournisseur consommateurs
Ainsi dans l’économie d’échange, il existe deux types d’acteurs : le fournisseur et le consommateur. Les intérêts des deux parties ne sont pas les mêmes et tout l’objectif des " lois du marché " est de trouver un équilibre entre les intérêts contradictoires de l'offre et de la demande. Le fournisseur peut lui-même être scindé en producteur et distributeurs avec éventuellement un ou plusieurs niveaux d’intermédiaires entre les deux.
Le système coordinateur - utilisateurs
Dans un projet coopératif, nous parlerons d’utilisateurs plutôt que de consommateurs. En effet, les biens proposés ne sont pas forcément consommables (dans le cas des contenus artistiques par exemple), et de plus l’utilisateur, contrairement au consommateur, peut participer au processus de production du bien.
- Les utilisateurs peuvent s’ils le souhaitent identifier les problèmes ou même les corriger et proposer des améliorations. Cela n’est évidemment viable que dans le cadre d’une économie du don où les utilisateurs y trouvent certains avantages. Proposant directement des modifications au producteur, ils ne sont pas soumis à la loi de Brooks. Seuls les utilisateurs-contributeurs augmenteront la complexité de la gestion du projet et cette fois uniquement de façon proportionnelle au nombre de contributeurs.
- Le producteur devient un coordinateur dont le rôle est de mettre en oeuvre les modifications proposées et de les intégrer pour conserver un tout cohérent. Il est toujours possible d’avoir une équipe de coordination pour des projets complexes, mais la complexité augmente alors plus vite que le nombre de personnes conformément à la loi de Brooks.
Plus il y a de contributeurs, plus on trouve de solutions
Les utilisateurs trouvent leur intérêt en mutualisant les coûts et en gagnant de la reconnaissance. La qualité générale lorsque le travail de cohérence est bien réalisé par le coordinateur est meilleure. En effet, lorsqu’un grand nombre de personnes sont impliquées, il y a plus de chances que les problèmes soient identifiés et que les bonnes solutions soient trouvées. Le coût du projet est alors beaucoup plus faible. Les utilisateurs-contributeurs peuvent se passer souvent de distributeurs et jouent sur la synergie pour résoudre leurs problèmes. Les autres utilisateurs, moins experts, peuvent tout de même acheter des services en passant par des distributeurs. Ainsi de nombreux logiciels libres sont au choix récupérés gratuitement ou achetés auprès de distributeurs qui feront payer leurs services. Le coût résultant est donc celui de la coordination, bien inférieur au coût de mise en place d’un projet classique. Nous verrons dans la partie réservée aux modèles économiques ce que deviennent les différentes parties du budget du projet.
Contribuer ou ne pas contribuer ?
Une autre conséquence de cette redistribution des rôles est que l’utilisateur gagne en liberté. Il peut choisir lui-même de n’être qu’un simple utilisateur ou au contraire de contribuer activement. Ce système permet d'atteindre un des objectifs que nous nous sommes donnés : accepter un grand pourcentage de non-coopération. Si seulement 1% des utilisateurs contribuent, cela peut représenter malgré tout un très grand nombre d’acteurs, bien supérieur au nombre de personnes habituellement impliquées comme producteurs dans un projet classique. Cela est vrai bien sûr à condition que les moyens de diffusion d’un projet permettent rapidement de toucher un grand nombre de personnes. L’Internet est dans ce cadre un outil extrêmement puissant pour rendre possible des projets coopératifs.
Ceux qui bénéficient d’un projet sans y participer sont parfois appelés des " passagers clandestins ". Dans notre cas, ils peuvent être très nombreux sans inconvénient. Il suffit simplement qu’un nombre suffisant de personnes soient motivées à contribuer pour que le projet se développe. Les contributeurs gagneront en plus de la possibilité d’être utilisateur, toute la panoplie de gains que nous avons déjà détaillés. Le savoir-faire n’est pas le moindre car il permet souvent de pouvoir se passer de distributeurs et de prestataires de services, mais également d’obtenir la compétence pour adapter encore plus précisément la réalisation à ses besoins propres.
Tâches critiques et tâches non critiques
Finalement, les rôles du fournisseur et du consommateur étaient séparés entre ceux qui produisent et ceux qui ne produisent pas mais consomment. Dans un projet coopératif, les rôles du coordinateur et de l’utilisateur-contributeur sont distingués entre ceux qui accomplissent des tâches critiques (les coordinateurs) et ceux qui n’accomplissent aucune tâche critique (les contributeurs). Chacun peut participer à la production et l’utiliser s’il le souhaite :
- Aucun des contributeurs ne réalise de tâche critique. S’il identifie un problème ou propose une amélioration au projet il apporte un plus. S’il ne le fait pas ou le fait mal, un autre identifiera le problème ou proposera une autre amélioration.
- Le coordinateur conserve lui les tâches critiques. S’il n’est pas assez motivant, il n’aura pas assez de contributeurs, s’il n’est pas assez réactif il démotivera ses équipes et s’il n’est pas assez bon, il n’assurera pas la cohérence du tout.
Exemple : Le fonctionnement collectif des insectes sociaux |
En distinguant non plus le fournisseur du consommateur, mais le coordinateur de l’utilisateur-contributeur, nous nous rapprochons du fonctionnement collectif des insectes sociaux. Je n’ai pas retrouvé qui a dit : " la fourmi est un animal intelligent collectivement et stupide individuellement, l’homme, c’est l’inverse " (Karl Von Frish*). Nous avons certainement beaucoup à apprendre des fonctionnements collectifs de ces insectes. Ainsi le principe de supplémentarité mis en oeuvre par les contributeurs est bien imagé par le fonctionnement de certains termites. Ils forment une boulette qu’ils imprègnent de salive et disposent au hasard. Lorsque plusieurs boulettes sont proches, l’odeur est plus forte et les autres termites viennent y déposer leur boulette pour constituer ainsi un pilier. Lorsque deux piliers sont voisins, les termites sur un pilier sentent l’autre et préparent une arche ou un pont. Ainsi l’assemblage des boulettes converge vers des édifices impressionnants. |
La remise en question continuelle
L'organisation proposée ne doit cependant pas être perçue comme figée. Toute organisation prévue pour être conservée indéfiniment ne mène qu'à l'échec. Quand il y a une abondance de projets, les utilisateurs se retournent alors tout simplement vers une nouvelle aventure.
Il est donc très important de remettre en cause assez souvent les fondements même du projet. On obtient alors une " destruction créatrice " [SCH] qui permet de faire évoluer le projet non pas de façon continue mais par sauts quantiques. Ces changements peuvent intervenir lors de l'arrivée de nouveaux contributeurs qui peuvent remettre en question des certitudes bien établies. Michel Serres a présenté toute l'importance du parasite pour créer de nouvelles choses [SER]. Peut être peut-on même considérer le coordinateur comme un " parasite " dans le groupe qui y introduit des possibilités nouvelles.
Les acteurs d’un projet coopératif sont de trois types :
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Livre sur la coopération #taille28
* Note le 22/11/2012 : Merci à Marie-Pierre Valcke qui a retrouvé l'auteur de cette citation que je cherchais depuis quelques années : http://gillesmartin.blogs.com/zone_franche/2006/06/la_fourmi_est_u.html
Par J-M Cornu | Avant | 24/12/2004 11:08 | Après | Coopération | 5 commentaires | Lu 7657 fois |
par Cornu, le Vendredi 24 Décembre 2004, 11:18
Super ! Ou as tu trouve cela ?Répondre à ce commentaire
Jean-Michel
Commentaires
1 - D'ou vient la citation sur les fourmispar Cornu, le Vendredi 24 Décembre 2004, 11:17 Répondre à ce commentaire