Cinq domaines à gérer

En plus de posséder un bon projet de départ, il va vous falloir définir les règles du jeu qui vous permettront de coordonner le projet pendant la phase ouverte à tous. Nous avons déjà rencontré ces règles, nous les avons déjà décrites comme base pour permettre de respecter les lois de la coopération.

Nous allons maintenant les reclasser suivant les 5 grands domaines que vous aurez à gérer dans votre projet :

  1. L'environnement
  2. La communauté des utilisateurs-contributeurs
  3. La redéfinition continuelle du projet
  4. La gestion des tâches et l'intégration des résultats
  5. Les mécanismes de contrepartie

Savoir adapter son projet avec astuce et imagination pour qu'il se conforme aux lois de la coopération est un art dans lequel certains coordinateurs font preuve de génie. L'artiste après avoir appris à maîtriser les techniques du pinceau ou du piano, saura ou non faire preuve d'inspiration. De même, les règles et méthodes proposées ne sont que l'instrument qui doit permettre au coordinateur de rassembler et de créer les conditions pour qu'émerge de grandes choses. L'oeuvre du coordinateur n'est pas directement le projet lui-même, mais la mise en place de l'environnement qui favorise le développement du projet.

Un environnement favorable

Le maître mot pour l'environnement est "l'abondance". Plutôt que de constater simplement si l'élément de base dont vous avez besoin pour votre projet est abondant ou non, nous avons vu qu'il était possible de choisir un autre point de départ qui sera naturellement plus abondant (apprendre à pêcher plutôt que de donner du poisson).

Savoir trouver l'abondance là où on ne l'attend pas fait parti de l'art du porteur de projet coopératif. Si ce texte peut donner quelques conseils, l'intuition du coordinateur reste irremplaçable. Un véritable génie de la coopération pourra même dénicher l'abondance là où toute autre personne ne verra que de la pénurie !

L'abondance doit être recherchée le plus possible et pas simplement dans les briques de base du projet. Le temps disponible doit aussi être abondant pour avoir le maximum d'opportunités. La sécurité matérielle du coordinateur et des contributeurs sont également la base qui leur permet de se concentrer sur le développement du projet.

Les trois règles pour un environnement favorable
  1. L'abondance doit être préservée et bien répartie dans les éléments qui servent de base au projet (loi 1)
  2. Il faut disposer d'un maximum de temps devant soi pour maximiser les opportunités (loi 6)
  3. Pour vous consacrer à votre projet, assurez-vous d'abord que vous avez réglé vos problèmes de sécurité matérielle. Plus vos contributeurs auront réglé les leurs, plus ils pourront également s'investir dans votre projet (lois 4 et 8)

Une communauté qui attire les contributeurs

Pour que de nombreuses personnes aient envie de s'intégrer à votre communauté, vous allez devoir renoncer à vouloir les en rendre captifs. Moins les membres potentiels se sentiront obligés de rester dans votre projet ou d'y contribuer plus ils pourront venir "pour voir" et rester s'ils se sentent bien. Vous avez plus de chance de voir vos membres coopérer s'ils restent dans votre communauté par envie que s'ils se sentent contraints !

Une communauté est basée à la fois sur un sentiment de confiance et un sentiment d'appartenance. L'outil le plus efficace pour cela est le temps. Il vous faudra ainsi : préserver le passé, construire un présent ou chacun peut se voir et montrer un futur à votre groupe.

La communauté devra non seulement favoriser les échanges entre les membres (tout en centralisant l'intégration du travail de chacun par le seul coordinateur pour garder la cohérence du projet), mais aussi avec l'extérieur pour enrichir les débats et apporter des opportunités de l'extérieur pour ce que l'on ne trouve pas à l'intérieur de la communauté.

Enfin, nous avons vu les dangers des mécanismes mimétiques collectifs [GIR]. S'il est bon d'avoir des "rites" et des références communes pour développer le sens d'appartenir à la même communauté, il peut s'y développer des tensions. Plutôt que de concentrer ces tensions sur un "bouc émissaire", cherchez d'autres mécanismes d'évacuation à mettre en oeuvre le plus tôt possible.

Finalement, animer une communauté est un art proche de la musique. Le coordinateur doit composer la progression du groupe comme une mélodie avec ses rythmes et en tenant compte des harmonies...

Les sept règles d'une communauté ouverte et équilibrée

 

  1. Mettez en place une communauté ouverte qui n'implique pas un engagement à contribuer de la part de ses membres mais permettez au contraire la sortie à tout moment et encouragez la multi-appartenance (lois 2 et 8)
  2. Conservez précieusement l'histoire du groupe et les réalisations accomplies par chacun grâce à un historique disponible pour tous (loi 2)
  3. Fractionnez progressivement les résultats en sous-projets pour ne pas diluer les contributions et permettre aux plus actifs de "se voir". Laissez les meilleurs s'approprier des morceaux du projet (loi 7)
  4. Donnez aux membres de la communauté une vision à long terme de vos aventures communes (loi 2)
  5. Favorisez les "rites" et les références communes pour développer les liens entre les membres de la communauté. Ces liens doivent être amicaux et non opérationnels car les contributions sont directement transmises au coordinateur qui seul les intègre (loi 5)
  6. Maximisez le nombre de contacts à l'intérieur mais également à l'extérieur de la communauté pour multiplier les opportunités utiles au projet (loi 6)
  7. Rendez visible le cycle mimétique lorsque les tensions du groupe se concentrent sur un bouc émissaire. Inventez d'autres mécanismes pour évacuer le plus tôt possible ces tensions qui arriveront tôt ou tard (loi 2)

Redéfinir continuellement le projet

Nous avons vu que dans l'environnement changeant dans lequel nous vivons aujourd'hui, une simple planification n'était plus possible. Pour cela il va vous falloir éviter plusieurs pièges :

Chaque fois que vous proposez une réorientation, vous ne devez pas être prisonnier de vos engagements passés. Pour cela, vous devez être vigilant de ne pas annoncer des résultats attendus à l'avance, mais plutôt des objectifs. Vous devrez cependant vous concentrer pour obtenir des résultats "en interne". Mais annoncez vos résultats qu'une fois obtenus.

Le deuxième grand principe est de garder les choses simples. Attendez avant de proposer de nouvelles orientations à vos membres qu'elles soient matures dans votre tête et que vous puissiez les présenter comme une évolution logique de ce qui a déjà été accompli.

Enfin, soyez vigilant de ne pas vous rajouter des contraintes supplémentaires. Cela est particulièrement vrai pour les contraintes financières. Chaque évolution ne doit pas rendre le projet dépendant d'un nouveau financement que vous n'auriez pas encore acquis.

Les quatre règles pour redéfinir continuellement son projet sans y ajouter des contraintes
  1. Annoncez à l'avance des objectifs mais surtout pas des résultats attendus (loi 6)
  2. KISS : Conservez le projet "bête et simple" (Keep It Simple and Stupid) (loi 9)
  3. Minimisez les coûts et les temps de coordination grâce à des outils les plus efficaces possibles (loi 4)
  4. Réduisez ou supprimez lorsque cela est possible les autres coûts du projet (loi 4)

Gérer les tâches et intégrer les résultats

Dans les projets coopératifs, le coordinateur conserve toutes les taches critiques. Celles-ci, si elles ne sont pas ou mal réalisées, peuvent mettre le projet en péril. Il est donc nécessaire que le coordinateur fasse preuve d'un grand art pour redécomposer son projet en un minimum de tâches critiques qu'il pourra supporter et un maximum de tâches non critiques parallèles proposés à la communauté ou récupérées ailleurs.

Une des lois de base est de rendre votre projet résistant à la non-coopération (il faut souvent un certain temps avant de susciter de nombreuses contributions). Si pratiquement personne ne contribue, votre projet doit pouvoir survivre. Toute contribution supplémentaire ajoutée à ce seuil minimum doit ensuite apporter un plus au projet. Plus le seuil nécessaire à la survie du projet sera bas et plus celui-ci sera également résistant aux agressions qui pourraient le pénaliser.

Les cinq règles de la gestion des tâches en projet coopératif
  1. Réduisez au maximum le nombre de tâches critiques et conservez en la maîtrise (loi 5)
  2. Parallélisez les tâches en demandant des contributions courtes, simples et indépendantes les unes des autres (loi 5)
  3. Faites en sorte que votre projet puisse se suffire d'un minimum de contributions sans danger (loi 5)
  4. N'hésitez pas à réutiliser au maximum, remplacer et refaire (lois 4 et 6)
  5. Soyez hyper-réactifs à chaque contribution, commentaire ou suggestion (loi 9)

Des contreparties pour les contributeurs efficaces

Même si vos contributeurs s'impliquent sans rémunération directe dans votre projet, ils ont besoin de "carburant" pour s'investir. Nous avons vu que les contreparties principales qui peuvent motiver les meilleurs contributeurs sont : l'estime acquise auprès du groupe et à l'extérieur, le plaisir obtenu dans les échanges et le savoir-faire obtenu. Le plaisir du travail bien fait est également un moteur efficace, même si l'évaluation est cette fois individuelle et personnelle.

Les règles proposées pour éviter toutes les déviations du besoin de reconnaissance nécessitent d'abandonner le pouvoir coercitif et les nominations a priori à des postes opérationnels (comme dans le cas du principe de Peters [PET]).

Favoriser les mécanismes de contreparties demande beaucoup de doigté pour conserver un équilibre qui favorise l'estime obtenue par le groupe sans tomber dans les déviations de la recherche forcenée de la satisfaction individuelle du besoin de reconnaissance.

Les six règles de la contrepartie
  1. L'estime qui est une des principales contreparties obtenues doit être apportée de façon globale par l'ensemble de la communauté et non par la décision d'une personne (lois 1 et 3)
  2. La contrepartie doit être obtenue a posteriori (par exemple l'estime acquise par les résultats obtenus) et non a priori (tel que la nomination à un titre). Il est cependant possible de proposer des rôles non exclusifs non comme reconnaissance mais comme incitation à contribuer (lois 3 et 7)
  3. L'amélioration ou la diminution de l'estime doit être un processus continu (loi 3)
  4. L'évaluation ne doit pas se faire uniquement en fonction de critères objectifs mesurables mais doit prendre en compte les ressentis subjectifs de chacun (loi 3)
  5. Votre rôle n'est pas de reconnaître seul le travail de chacun mais de favoriser les mécanismes de contrepartie collectifs (estime, plaisir, acquisition de savoir-faire) (loi 7)
  6. Soyez attentif à ce que la contrepartie ne soit pas demandée mais reçue (loi 1)

Le coordinateur a un rôle crucial, non pour réaliser lui-même le projet mais pour mettre en place les conditions qui favorisent le développement cohérent du projet.

Coordonner un projet est un art. Il faut à la fois maîtriser les règles qui facilitent la coopération et disposer de l'inspiration nécessaire pour adapter continuellement son projet dans 5 grands domaines :

  1. Un environnement favorable à la coopération
  2. Une communauté qui attire les contributeurs
  3. La redéfinition continuelle du projet
  4. La gestion des tâches et l'intégration des résultats
  5. La mise en place des mécanismes de contrepartie

Dans tous cas il devra chercher à se rapprocher des fondements de la coopération :

  • Les intérêts individuels et collectifs doivent converger vers un équilibre stable
  • Le projet doit être résistant à la non-coopération
  • Les contributions doivent être encouragées et facilitées
#demarrer28 Livre sur la

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