Pour qu'une communauté d'utilisateurs puisse se créer autour du projet et que certains contribuent à son développement, il est nécessaire que la réalisation soit suffisamment avancée. La première réalisation doit être exploitable et donner envie de contribuer pour y apporter des idées nouvelles. Le premier rôle du futur coordinateur est donc de préparer la première version de son projet...seul.

3 domaines à évaluer en même temps

Il y a trois domaines à évaluer pour que l'ouverture du projet ait de bonnes chances de succès :

  • L'utilité : Si le projet est peu utile il sera dur de trouver des utilisateurs et de motiver des contributeurs pour le développer
  • La qualité de la réalisation : Il s'agit d'avoir un projet exploitable au mieux par les utilisateurs et motivant les contributeurs.
  • La présentation : Chacun doit pouvoir comprendre facilement le projet en fonction de ses propres repères.

Ceci peut sembler évident. Pourtant de nombreux projets ne se concentrent que sur un ou deux de ces aspects seulement. Puisque le projet sera évalué en continu par des utilisateurs/contributeurs sur lesquels vous n'avez pas de pouvoir de contrainte, il est indispensable qu'il soit au maximum utile, de bonne qualité et... compréhensible.

Les déviations

Dans un développement classique, le projet est évalué avant (par exemple par appel d'offre) et après par une personne ou un petit groupe. Le point le plus important est alors la présentation: Le projet doit donner l'impression d'être utile et bien réalisé pour les personnes qui évaluent plutôt que pour ceux qui en auront besoin. Dans d'autres cas, les porteurs de projets partent non pas du point de vue des autres, mais de leur propre point de vue. Ils considèrent alors en toute bonne fois, leur projet comme utile et de bonne qualité et rejettent le manque d'utilisateurs et de contributeurs sur les autres.

Pour qu'un projet puisse, lors de son ouverture à la coopération, attirer des utilisateurs et des contributeurs, aucun des 3 aspects ne doit être négligé. Si le porteur de projet peut chercher à optimiser chacun d'eux, il ne saura qu'après l'ouverture du projet s'il était dans le bon chemin.

Un projet utile

Le projet doit être utile pour l'utilisateur et non seulement perçu comme tel par l'initiateur du projet ou un évaluateur extérieur. Un projet utile n'est pas forcément un projet qui touche le plus grand nombre, mais plutôt un projet qui apportera une très grande plus-value à une communauté donnée même si elle est petite. Par exemple une télévision de proximité réalisée par les habitants d'un quartier ou d'un immeuble peut plus facilement créer du lien entre les personnes qu'une télévision couvrant un secteur le plus large possible (Cette dernière aura un but différent). Ne soyez pas ambitieux sur la taille de votre communauté cible mais plutôt sur l'apport que vous lui faites. Dans tous les cas de figure un projet utile est un projet fortement utilisé par la cible visée. Vous ne saurez donc si votre projet est utile que plus tard...

Il n'y a malheureusement pas beaucoup de moyens d'estimer l'utilité à l'avance mise à part votre propre expérience et les discussions que vous pourrez avoir avec d'autres. Le seul conseil que l'on pourrait donner ressemble à une lapalissade mais n'est pas aussi souvent suivi qu'on pourrait le penser :

  • Lancez votre projet dans un domaine que vous connaissez suffisamment pour pouvoir estimer au mieux l'utilité de ce que voulez faire.

Un projet bien réalisé

Le projet doit être déjà suffisamment avancé pour motiver des utilisateurs et des contributeurs. La réalisation de ce préprojet doit être de grande qualité (ce sera aussi bien sûr le cas pour l'évolution du projet après son ouverture aux contributeurs). Le porteur de projet doit donc réaliser seul ou avec un très petit nombre de personnes une première version. Une bonne façon d'obtenir un préprojet solide, de bonne qualité et bien avancé est de réutiliser chaque fois que possible des éléments déjà existants. Il ne s'agit pas bien sûr de copier un projet existant pour en faire un nouveau, mais plutôt de se concentrer sur ce qui fait l'originalité du projet. Le porteur de projet à ce stade est donc à la fois un producteur pointu pour un ou deux aspects très spécifiques et un intégrateur pour obtenir un ensemble cohérent suffisamment important. Il peut être nécessaire également de reprendre à zéro la réalisation d'une des pièces du puzzle déjà existante.

Exemple : Minix ancêtre de Linux
Lorsque Linus Torvald a écrit la première version de Linux, son système d'exploitation pour les ordinateurs, il s'est basé sur un autre petit système existant : Minix écrit par Andrew Tanembaum [TAN]. Ce dernier avait pour objectif de mettre en place un petit système d'exploitation libre de droits pour illustrer ses cours et son livre sur le développement des systèmes d'exploitation. Linus Torvald est parti de là pour proposer un système d'exploitation complet opérationnel.

Un projet bien présenté

Le projet doit être présenté sous une forme aisément compréhensible par d'autres personnes. On a souvent l'impression qu'il suffit d'énoncer clairement une description du projet pour qu'il soit compréhensible. En fait, un des points capitaux est le mode de raisonnement adopté pour faciliter la compréhension. Par exemple les textes français utilisent majoritairement une démarche où l'on part du concept pour ensuite le décliner avec différents exemples. Les textes anglo-saxons partent plutôt d'une démarche inverse où des exemples sont d'abord avancés. Le concept apparaît ensuite comme synthèse. Il existe un troisième mode de raisonnement basé sur l'analogie avec un exemple connu. Cette dernière méthode est particulièrement utilisée dans les cultures africaines. Il est cependant possible de présenter des documents compréhensibles par plusieurs cultures en jouant sur les redondances, mais aussi sur des encadrés et des exemples qui seront lus naturellement plus par telles ou telles cultures suivant la progression de la présentation. J'ai trouvé très peu d'information sur les diverses démarches de raisonnement. Je suis très preneur de critiques sur celles présentées ici et de réflexions sur celles adoptées par diverses cultures.

Démarche de présentation

Mais l'erreur la plus commune dans la présentation d'un projet (qu'il soit présenté oralement ou dans un document), est l'adoption d'une démarche qui part du projet plutôt que de la culture de l'interlocuteur. Souvent pour bien être compris, il est nécessaire de faire deux démarches. On part de son idée et de ses propres concepts pour trouver par étape comment ils se rapprochent des concepts compris par le public ciblé. La présentation est alors construite sur la démarche exactement inverse : partant des concepts habituels de l'interlocuteur, on suit le chemin pour arriver jusqu'à la présentation du projet.

Nous avons vu qu'un projet s'appropriait un nouveau territoire. Le peupler consiste ensuite à partir de son territoire en repérant le chemin jusqu'à l'endroit où se trouvent les interlocuteurs pour les ramener ensuite chez soi.

Une bonne technique est de présenter à l'avance son projet à quelques personnes proches de la cible. Il y a souvent une crainte de se faire "voler" son projet si on le présente à quelqu'un auparavant, mais le choix des personnes et l'avancement du projet lorsque l'on en est à l'étape de savoir comment le présenter permettent de réduire ce risque.

Mea-culpa

Ce texte est un bel exemple d'une démarche incomplète ! Si j'ai essayé de comprendre les nouveaux concepts introduits par les projets coopératifs, leur découverte m'a tellement occupé que je n'ai pas encore pris le temps de repérer sérieusement le chemin entre ce que j'écris et divers utilisateurs potentiels pour qu'ils puissent rejoindre aisément "mes nouveaux territoires". En attendant des versions intégrant une démarche plus complète, ce texte est donc plutôt destiné à ceux qui sont déjà en vue des territoires que j'explore : Ceux qui ont déjà une expérience de la coopération.

Préparer un projet nécessite quatre étapes avant de pouvoir l'ouvrir avec de bonnes chances de succès :

  1. Partir d'une bonne connaissance de l'utilisateur ciblé pour lui apporter la plus grande plus-value. La taille de la cible (nombre d'utilisateurs potentiels) est moins importante que l'importance de l'apport à chaque utilisateur. Vous saurez si votre projet est vraiment utile plus tard, s'il est fortement utilisé.
  2. Développer une première réalisation. Récupérer des éléments existants pour se concentrer uniquement sur les éléments nouveaux et l'intégration cohérente de l'ensemble. Ne pas hésiter cependant, à reprendre à zéro un élément au fur et à mesure que l'on acquiert une meilleure compréhension.
  3. Repérer les étapes d'un chemin qui relie le projet tel que vous le comprenez et le jugez utile jusqu'aux concepts et préoccupations des utilisateurs ciblés. Un projet comprend des concepts nouveaux qui ne sont pas immédiatement compréhensibles par l'utilisateur, même si on pense qu'il peut lui être utile.
  4. Guider ses interlocuteurs sur le chemin inverse qui part de leurs préoccupations pour les amener aux nouveaux concepts introduits par le projet. La présentation doit prendre en compte pour passer d'une étape à l'autre, les modes de raisonnements et la culture des interlocuteurs.

#demarrer28 Livre sur la coopération

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