Projet coopératif ou traditionnel ?

Les projets basés sur les principes de coopérations tels que nous les avons présentés sont plus ou moins faciles à mettre en oeuvre. Dans certains cas de figure, il sera plus judicieux de mettre en place une gestion traditionnelle de projet hiérarchisé. Dans d’autres cas au contraire, les projets coopératifs seront beaucoup plus adaptés et permettront rapidement des résultats spectaculaires qu’il aurait été impossible d’obtenir avec des projets traditionnels, même avec des moyens financiers beaucoup plus importants.

Vous disposez d’un projet que vous souhaitez lancer ou vous pouvez devenir " propriétaire " d’un projet existant. Ce projet remplit-il les différents critères pour qu’il puisse être géré de façon coopérative ?

Première question : Faut-il lancer un projet coopératif ?

Les chapitres précédants nous montrent les grandes lois qui permettent de développer un projet coopératif. Posez-vous la question pour chacune d'elle de savoir si votre projet y est conforme, si vous pouvez adapter votre projet pour qu'il suive ces lois ou bien s'il est possible de concilier le projet pour permettre une gestion mixte : traditionnelle et coopérative. Dans tous les cas de figure, identifiez bien les "questions sensibles" pour connaître les points à surveiller.

  1. Le projet porte-t-il sur un bien abondant pour favoriser l'économie du don ?
  2. Est-il possible de former une communauté pour multiplier les échanges ?
  3. Peut-on éviter une évaluation a priori par des personnes externes au projet ?
  4. Les besoins de départ peuvent-ils être réduits pour permettre un démarrage immédiat
  5. Le projet peut-il survivre avec un minimum de contributions, peut-on conserver les tâches critiques ?
  6. A-t-on du temps devant soi et peut-on facilement redéfinir les résultats attendus pour gérer le projet par opportunités ?
  7. Peut-on gérer les contributeurs avec éventuellement des rôles mais pas de titres hiérarchiques pour gérer le projet par motivation et non par coercition ?
  8. Les utilisateurs-contributeurs potentiels savent-ils qu'ils ne s'engagent ni à rester ni même à contribuer ? Ont-ils par ailleurs résolus leurs problèmes de sécurité matérielle ?
  9. La définition du projet et des contributions attendues est-il le plus simple possible ?

Les conséquences d'un bon ou d'un mauvais coordinateur

Le coordinateur a un rôle critique dans la réussite du projet. Si, comme nous l’avons proposé, il n’a pas de pouvoir de contrainte sur ses " utilisateurs-contributeurs ", un mauvais coordinateur aura comme conséquence de faire échouer son propre projet. Les utilisateurs se tourneront naturellement vers d’autres projets ou même vers des projets concurrents.

Pourtant, s’il est possible d’avoir des projets concurrents, nous verrons que l’usage les limite pour éviter une prolifération qui désorienterait les utilisateurs. Il ne s’agit alors que d’un mécanisme de régulation qui permet aux utilisateurs de se prémunir des projets mal coordonnés qui correspondraient cependant à un besoin.

A quoi sert le coordinateur ?

Il n’est pas nécessaire que le coordinateur ait toutes les bonnes idées ou toutes les solutions. La partie réellement critique est de savoir identifier les bonnes idées et de les intégrer de façon cohérente.

Ainsi Linus Torvald, qui le premier a coordonné un immense projet de logiciel libre (Le système d’exploitation Linux) se définit lui-même en plaisantant comme " un fainéant aimant bien récupérer la gloire du travail des autres ". Il l’a fait de façon particulièrement intelligente en sachant mettre en valeur ses contributeurs qui le lui ont bien rendu.

Cependant, au démarrage, le coordinateur doit proposer un projet suffisamment avancé pour que les contributeurs aient envie de " jouer " avec. Il n’est souhaitable d’ouvrir le projet à des contributeurs externes que lorsque celui-ci dispose déjà d’un noyau stable et cohérent. Le premier rôle du futur coordinateur est donc de développer, le plus souvent seul, la première mouture de son projet. Pour faciliter cette phase, il est souhaitable de réutiliser au maximum des éléments déjà existants en les redéfinissant éventuellement pour les adapter à un projet nouveau sans repartir de zéro.

Les qualités d'un bon coordinateur

Ces différents aspects permettent de définir le profil idéal d’un coordinateur. Bien sûr il doit avoir de bonnes connaissances dans le domaine du projet sans nécessairement être le plus grand des experts. S’il est déjà reconnu par ses pairs, cela facilitera l’implication de contributeurs de bons niveaux. Mais les trois qualités critiques du bon coordinateur sont :

  1. Un très bon sens du contact et des relations humaines
  2. Savoir reconnaître les opportunités et les bonnes idées des autres
  3. Une très grande réactivité

La réactivité est un facteur clé. Le temps de travail effectif n’est pas aussi important qu’il n'y paraît. Souvent plus de 90% du temps d’un gestionnaire de projet est occupé à gérer les contraintes et les personnes ayant un rôle critique n’ayant pas assumé leurs tâches. Un projet coopératif avec très peu de contraintes tel que nous le proposons (ce qui bien sûr n’est pas valable dans tous les cas de figures) permet avec un temps de travail supportable pour une personne de réaliser de très grandes choses à condition de disposer de suffisamment de temps devant soi pour permettre à un grand nombre d’opportunités d’arriver, et une grande réactivité pour saisir au vol ces opportunités et motiver ses contributeurs qui voient ainsi le projet avancer rapidement.

Deuxième question : Serez vous un bon coordinateur ?

Les compétences à avoir diffèrent suivant que l'on est dans la phase de lancement (ce qui est moins nécessaire s'il s'agit d'une reprise) ou que l'on est dans la phase ouverte aux contributeurs

Dans la phase de lancement

  • Etes vous capable éventuellement en réutilisant des morceaux existants, de constituer un premier résultat qui donne envie aux contributeurs de l'améliorer
  • Avez-vous une reconnaissance ou un charisme suffisant pour attirer les premiers contributeurs

Dans la phase ouverte aux contributeurs

  • Réagissez-vous immédiatement aux questions et aux commentaires (en particulier par email)
  • pensez vous avoir un très bon sens du contact et de l’écoute
  • Savez-vous reconnaître les opportunités et les bonnes idées des autres

Pourrez-vous survivre à la coordination de votre projet ?

La troisième question à étudier est de savoir si vous avez les moyens de vous lancer dans la coordination d'un projet. Si vous souhaitez que vos utilisateurs soient dans un système d'économie du don, vous devez vous-même être capable de montrer l'exemple. Pour cela vous devez disposer d'une sécurité matérielle suffisante.

Troisième question : Disposez-vous d’une sécurité matérielle suffisante ?

Si vous n'êtes dans aucun des cas proposés, cherchez d'abord à modifier votre situation pour vous permettre de "tenir la distance".

  • Avez vous un emploi dans lequel le projet peut apporter un plus ? Vous pouvez être employé par un utilisateur du produit réalisé ou encore par un distributeur ou un laboratoire pouvant bénéficier de l’image obtenue grâce à la gestion du projet. Il vaut cependant mieux que vous ne soyez pas directement payé pour réaliser ce projet si vous voulez impliquer un grand nombre de personnes sans les rémunérer directement.
  • Disposez-vous de moyens financiers suffisants (emploi stable ou soutien familial pour des étudiants…) pour conduire le projet dans le cadre du bénévolat ?
  • Etes vous dans un grand groupe, une université, un laboratoire de recherche ou une administration qui accepte de fermer les yeux sur une partie de l’occupation de votre temps ?

 

Trois questions avant de se lancer :

  1. Le projet est-il adapté à une gestion de type coopérative ?
  2. Avez-vous le profil d’un bon coordinateur ?
  3. Disposez-vous d’une sécurité matérielle suffisante ?

Si l'une des réponses pose problème, cherchez à modifier votre situation ou votre projet. Conservez précieusement la liste des "concessions" que vous avez faites dans vos réponses pour connaître dès le départ les points sensibles à surveiller par la suite.

 Livre sur la

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