Les différents réalismes
Plusieurs notions :
- réalisme (Wikipedia) : réel indépendant de tout observateur
- qui mène au Positivisme (Wikipedia)
- Relativisme (Wikipedia) : relatif à la place de l'observateur
- Constructivisme (Wikipedia) : voir l'analyse dans Automates Intelligents de "Le constructivisme" de Jean-Louis Lemoigne, L'Harmattan 2003
les différents réalismes d'après un article de Jean-Paul Baquiast
in Jean-Paul Baquiast, "Les philosophes et les nouveaux visages de la physique - Deuxième partie. La mécanique quantique. La conscience est-elle un objet? " http://www.automatesintelligents.com/echanges/2003/oct/philo2.htmlle réalisme, postulant qu'il existe des objets, une nature, indépendants de l'observateur, n'est pas une doctrine unique. Il a pris plusieurs formes. Les définitions et les nuances relatives au réalisme sont nombreuses(2). Nous n'en retiendrons que trois :
- Le réalisme des essences ou ontologique ou de l'être en-soi
selon lequel à chaque objet identifié dans la nature correspond une
entité idéale à laquelle en principe on ne peut accéder mais vers
laquelle on peut tendre par la démarche scientifique. Ce type de
réalisme est généralement abandonné aujourd'hui, du moins par les
matérialistes. Bernard d'Espagnat (op.cit.) s'est cependant efforcé
d'en sauver l'essentiel en postulant l'existence d'un réel certes
inconnaissable, mais dont pourtant l'expérimentateur doit reconnaître
la présence, ne fut-ce que parce que les expériences visant à valider
ses hypothèses se heurtent à des résultats précis sur le mode oui ou
non. Ceci révèlerait bien le fait qu'il y a quelque chose de " dur "
derrière les apparences sensibles et non un simple univers aléatoire.
C'est ce qu'il a nommé le " réel voilé ". Mais ce concept ne s'est pas
diffusé, pour la raison qu'il n'a guère d'intérêt pratique. Le réel
voilé demeure en effet, pour lui, non susceptible d'approche
expérimentale quelle qu'elle soit.Aujourd'hui pourtant, on tend à considérer que l'esprit humain a été ainsi façonné par les nécessités de la survie au cours de l'évolution qu'il ne peut procéder à l'indispensable activité exploratoire sans se donner un but lointain à atteindre. Les scientifiques seraient encore soumis à ce conditionnement génétique. Ils ne rechercheraient plus rien s'ils ne se persuadaient pas qu'il y a quelque chose de "dur" à découvrir. Nous reviendrons sur ce point important ultérieurement. Pourtant, on peut penser que la science ne perdrait pas son dynamisme si elle se persuadait, non qu'elle va à la découverte de quelque chose de préexistant, mais qu'elle crée ce quelque chose, qu'elle le construit (approche constructible) par le jeu de sa seule activité exploratoire (voir ci-dessous, in fine).
- Le réalisme empirique selon lequel on ne prend
en considération que les objets tels qu'ils nous apparaissent à travers
nos sens. On s'efforce de les décrire aussi précisément et
objectivement que possible, mais on ne prétend pas accéder à leur être
en soi. Cette description, dans la démarche scientifique
traditionnelle, est considérée nous l'avons dit comme d'autant plus
précise et objective que l'observateur ne s'y implique pas. Les
propositions (telle la loi de la chute des corps de Newton) ne doivent
pas dépendre de l'observateur, mais être valables pour tous. On parlera
aussi d'un réalisme à objectivité forte (d'Espagnat, op.cit.). Le
réalisme empirique prend la forme d'un réalisme instrumental ou scientifique
lorsque les observations et propositions auxquelles on procède sont
généralement reconnues, par la communauté des scientifiques, au moment
considéré, comme représentant un consensus momentanément acceptable, à
partir duquel dériveront de nouvelles hypothèses puis de nouvelles
expériences.La plupart des scientifiques qui s'en tiennent par raison au réalisme instrumental ne peuvent sans doute pas s'empêcher de rêver, nous l'avons dit, à une nature en soi dont ils se rapprocheraient progressivement. Mais peu importe, les humains auxquels la science s'adresse n'étant pas des essences mais des réalités matérielles ont jusqu'à ces dernières années constaté que le réalisme instrumental tel que défini dans ce paragraphe offre un cadre philosophique suffisant.
- Le réalisme à objectivité faible qui est celui de la physique quantique : tel observateur a observé tel phénomène dans telles conditions. On ne peut en dire plus du réel sauf à travers des opérateurs (par exemple la fonction d'onde) mais ceux-ci ne fournissent que les résultats statistiques provenant d'un grand nombre d'observations. On connaît les grands concepts de la mécanique quantique servant à "décrire" la nature : la non-détermination, la superposition d'état, la non-séparabilité, l'enchevêtrement (entanglement). Il en résulte que l'observateur ne peut être séparé de l'observation. Comme ses instruments, il fait partie de l'énoncé. Les physiciens quantiques s'en tiennent généralement là et ne formulent pas d'énoncés prétendant s'appliquer plus précisément aux systèmes observés. Mais très souvent, ils tendent à retomber dans les habitudes du réalisme à objectivité forte. C'est-à-dire qu'ils parlent couramment des particules, des champs, du vide, du Big Bang, de l'espace-temps, comme s'il s'agissait de réalités ultimes de la nature. Le grand public s'y trompe et des philosophies (par exemple l'indéterminisme appliqué au monde macroscopique) reposant sur des bases inexactes se développent dans la société et peuvent conduire celle-ci à des erreurs graves d'interprétation et de comportement.(2) Lire notamment Michel Bitbol, L'aveuglante proximité du réel, Flammarion, 1998
Par J-M Cornu | Avant | 26/12/2004 10:08 | Après | Complexité | aucun commentaire | Lu 8567 fois |