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Le projet WebcamTV
Jean-Michel Cornu, Vidéon - 3 juin 2003
Merci à Patrick Coquet (6WIND et IPv6TF)
et Olivier Amato (CST MPEG-4/MPEG-7)
pour leurs conseils et leurs corrections
Un mélangeur Vidéo en ligne
Le projet WebcamTV développé par le Tomat’lab est un mélangeur vidéo en ligne qui permet de réaliser des émissions en direct intégrant les images à la fois de caméras sans fils en local et de webcams distantes reliées par l’Internet. Les émissions peuvent ensuite être diffusées sur l’Internet mais également par tous les moyens classiques ou non classiques (câble, hertzien, antennes collectives ou diffusion dans des lieux publics).
Le but des télévisions de proximité, réalisées par les habitants de quartiers ou de villages, est de développer le lien social en aidant chacun à s’approprier une part de l’animation locale (Extrait de la définition donnée lors de la première université européenne des télévisions de pays et de quartiers à Castre en novembre 2001). Dans ce cadre, WebcamTV doit faciliter la mise en place à très bas prix d’émissions collectives multicaméras directement au coeur de la ville ou du village (grâce à des liaisons sans fil) et avec le reste du monde (grâce à l’Internet). Il devient ainsi possible d’intégrer par exemple des correspondants dans des villes jumelées ou des réactions de spectateurs en ligne.
Bien d’autres usages sont imaginables dans des domaines très divers, de la prestation pour les entreprises à l’humanitaire.
WebcamTV utilise plusieurs technologies très innovantes (MPEG-4, Wi-Fi, IPv6...) qui rendent possible de nouveaux usages à faible coût.
Le format normalisé MPEG-4
MPEG-4 est une nouvelle norme internationale qui permet d’intégrer à la fois de nouveaux formats Vidéo et Audio mais également d’autres informations telles que du texte, des images, des mondes 3D, etc. Un consortium, l’ISMA (Internet Streaming Media Alliance), s’est créé pour faire le choix des standards et normes complémentaires afin de permettre la diffusion en continu au format MPEG-4 (méthode du streaming qui permet de voir une vidéo sur Internet sans attendre qu’elle soit entièrement téléchargée).
Le format normalisé MPEG-4 permet de voir des émissions sur des logiciels qui jusqu’à présent ne savaient lire que des vidéos dans leurs propres formats propriétaires incompatibles entre eux (QuickTime, Real Player...). De nouveaux logiciels, adaptés aux différents types d’ordinateurs, permettent également de lire les vidéos au format MPEG-4 (mplayer...). Le consortium 3GPP en charge de la standardisation de la téléphonie mobile de 3ème génération principalement en Europe a choisi en option le MPEG-4 pour la diffusion de la vidéo sur les téléphones mobiles. Le 3GPP2, principalement pour l’Amérique, a lui choisi de le rendre obligatoire. Le DVD Forum étudie également la possibilité d’utiliser le format MPEG-4 pour les futures générations de DVD. Ainsi, ce format permettrait d’unifier la vidéo depuis les faibles débits pour les téléphones mobiles jusqu’à la télévision haute définition.
Le MPEG-4 intègre les évolutions dans les technologies de codage. Ainsi le Format AAC généralement utilisé pour le son permet à qualité équivalente d’utiliser beaucoup moins de bande passante que le célèbre format MP3 intégré à l’origine dans la norme MPEG-1. Le tout nouveau format Vidéo H264/AVC intégré au début 2003 dans la norme MPEG-4 offre un gain qui permet soit d’obtenir une meilleure image à débit constant, soit d’obtenir une image équivalente avec un débit plus faible, facilitant l’émergence d’une véritable télévision sur Internet.
Par la suite, les applications MPEG-4 devraient permettre la description de scènes, intégrant une ou plusieurs vidéos avec des images, des textes et des mondes 3D. La norme prévoit même de plaquer une photo sur une tête en 3D et de l’animer de façon réaliste pour la faire parler (Voir la série de petits films de vulgarisation réalisée par Vidéon : " MPEG épisode 4 ").
Il n’y a pas que les ordinateurs et les téléphones mobiles qui profitent du nouveau format. Les premières caméras permettant d’atteindre les 25 images par secondes (ou 30 en Amérique) sortent (la caméra Pretec DV-4200 sort en juin 2003 avec une définition de type VHS numérique, de nouvelles caméras offrant une définition identique à celle d’un camescope DV devraient sortir rapidement). Ces nouvelles caméras stockent la vidéo directement sur des cartes flash informatiques supprimant la nécessité d’une cassette vidéo. Des petits boîtiers permettent de convertir directement une vidéo au format MPEG-4 et de l’envoyer sur Internet sans nécessiter d’ordinateur (par exemple le JVC DM-NC40...). Tous ces appareils dédiés à la vidéo utilisent des technologies informatiques, bénéficiant ainsi des baisses de coûts et des évolutions régulières dans ce domaine (suivant la loi de Moore qui indique que la capacité des circuits intégrés doublent tous les 18 mois).
Le partenariat avec la société Frontier On Line a permis de mettre en place dans le cadre de WebcamTV les premières émissions en live au format MPEG-4.
Les réseaux sans fils de type Wi-Fi
Les réseaux locaux informatiques deviennent sans fils. Un ensemble de protocoles standards (IEEE 802) permet de réaliser avec les ondes hertziennes l’équivalent d’un réseau local informatique. La marque Wi-Fi est appliquée aux réseaux qui utilisent ces standards. Les matériels très peu chers ont permis un développement rapide de ces réseaux " sans fils " (environ 50 € pour une carte à placer dans un ordinateur portable et 100 € pour un point d’accès). Avec une bonne antenne, il devient possible de relier des appareils dans un rayon de près d’un kilomètre (moins lorsqu’il y a des murs à franchir). Lorsque l’antenne est directive, une liaison sans fil entre deux points peut être réalisée sur des distances pouvant dépasser les 10 Km.
Wi-Fi a été conçu au départ pour relier les ordinateurs (en particulier les ordinateurs portables). Il s’étend aujourd’hui à d’autres types d’appareils tels que des assistants personnels mais aussi des caméras (le premier camescope utilisant Wi-Fi, le JVC DV-300E, a été présenté par le Tomat’lab au salon Narrowcast de juin 2002).
L’arrivée de petites caméras numériques MPEG-4 devrait encore faciliter l’intégration avec les réseaux informatiques sans fil (par exemple avec la caméra D-Link DCS-2100+ pour l’instant encore en qualité VHS numérique). Il devient imaginable d’installer rapidement un premier pont sans fil entre les locaux d’une télévision de proximité et par exemple la place du marché ou une salle de spectacle ; puis de le relier à l’aide d’un autre réseau sans fil à plusieurs caméras dans un rayon de quelques centaines de mètre pour y réaliser une émission en direct.
La nouvelle version du protocole Internet : IPv6
La nouvelle version du protocole Internet, IPv6, commence son déploiement commercial depuis cette année. Outre un beaucoup plus grand nombre d’adresses qui permettent un échange direct plus facile avec n’importe quel objet intégrant des capacités de traitement et de communication, le nouveau protocole permet l’autoconfiguration ce qui rend l’Internet facile à utiliser (la connexion des terminaux devient " plug and play " - " on branche et ça marche "). Il intègre également en base plusieurs options de l’ancien standard IPv4. Certaines de ces extensions présentent un grand intérêt pour la vidéo :
- La mobilité permet de communiquer avec un appareil qui n’est pas toujours situé au même endroit dans le réseau. IPv6 intègre non seulement cette option de l’Internet mais en améliore l’efficacité.
- Le multicast permet de n’envoyer qu’un seul flux vidéo qui sera reçu par tous les destinataires. Jusqu’à présent pour envoyer un flux vidéo à - par exemple - 100 destinataires, il était nécessaire d’envoyer 100 flux vidéos, ce qui nécessitait des serveurs conséquents et d’énormes bandes passantes. Il n’était pas possible avec cette technologie de passer à l’échelle et de diffuser de la vidéo simultanément à un grand nombre de personnes. Le multicast permet à chacun de recevoir le flux unique envoyé comme c’est déjà le cas par exemple avec la radio et la télévision. Il devient ainsi possible de diffuser aisément de la vidéo sans nécessiter des coûts importants en bande passante.
- La qualité de service permet une gestion différentiée des flux de données. En effet l’Internet est sur le mode du " best effort " (tous les efforts pour faire le mieux possible mais sans garantie qu’il n’y aura pas d’encombrements dans le réseau). Si cette formule convient bien par exemple au téléchargement de gros fichiers qui doivent " globalement " arriver le plus rapidement possible, il n’en va pas de même pour la voix et pour la vidéo. Ces dernières nécessitent, plus encore que des hauts débits, un débit minimum garanti à chaque instant pour éviter les coupures dans le son et l’image. La qualité de service sur IPv6 est encore expérimentale. Il faudra une base installée assez importante et de nouveaux équipements pour tester et valider le protocole à grande échelle.
L’intégration dans le protocole de base de ce qui était précédemment des options peut paraître anodin en apparence. Il ouvre pourtant de nouvelles possibilités : ces options pouvaient être activées dans l’ancienne version sur un réseau particulier (réseau d’éducation et de recherche ou intranet d’entreprise), mais leur utilisation sur le réseau des réseaux Internet nécessitait que tous les opérateurs de réseaux se mettent d’accord pour permettre de bénéficier de ces nouvelles fonctionnalités de bout en bout. Par ailleurs, il était complexe voire impossible d’activer simultanément plusieurs de ces options. L’intégration dans IPv6 de ces services dans le protocole de base lui-même change cette situation.
WebcamTV est testé pour l’instant sur l’ancienne version du protocole Internet. l’IPv6 devrait être rapidement intégré grâce à des partenariats avec l’IPv6 Forum et la société 6WIND.
WebcamTV et les nouvelles technologies
Outre des développements en logiciel libre, WebcamTV se présente comme un mécano. Il permet en intégrant des technologies récentes, de rendre accessibles des fonctionnalités auparavant chères ou complexes. Plus les technologies évoluent, moins elles sont contraignantes en terme de prix et de fonctionnalités. Une fois passée la phase ardue de l’intégration, et si on veille à proposer des interfaces et une ergonomie simples, les technologies deviennent plus transparentes. Elles facilitent ainsi l’appropriation par les utilisateurs et l’invention par eux de nouveaux usages.