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Le multicast : la diffusion radio et TV sur l'internet est-elle pour demain ?
Par Jean-Michel Cornu
Ce document publié
par la Fing est une synthèse de deux présentations données dans le cadre
de la troisième journée sur les technologies et les standards de l'internet
le 20 octobre 2003 (http://www.isoc-gfsi.org/gfsi/reunions/journee-francaise-IETF-3.html)
:
· "Les standards du multicast (IPv4 et IPv6) et l’état du déploiement" par Christian
Jacquenet de France Télécom longue distance : http://www.isoc-gfsi.org/gfsi/reunions/IETF-3/Christian_Jacquenet/Slidesmulticast-v01-CJ/index.htm
· "Quelques thèmes de recherches universitaires sur le multicast" par Mickael
Hoerdt de l’université Louis Pasteur à Strasbourg : http://www.isoc-gfsi.org/gfsi/reunions/IETF-3/present_Hoerdt.html
Sommaire
Deux étapes dans le multicast
Tout est prêt mais le multicast n’a pas décollé
Quel multicast demain ?
Le multicast a été développé dès 1989 lorsque l'internet était essentiellement
accessible à la recherche académique américaine, pour permettre à un très grand
nombre de personnes de recevoir un même contenu au même moment. Avec le mode
de transmission unicast (celui utilisé majoritairement sur l'Internet), si on
souhaite envoyer des données à un grand nombre d'endroits (de l'audio, de la
vidéo, des programmes…), il est nécessaire d'envoyer autant de flux de données
qu'il y a de destinataires. Le multicast permet de n’envoyer qu'un seul flux
de données qui se ramifie pour atteindre chaque destinataire "abonné" à ce flux.
On parle "d'arbre de distribution". Une bande passante importante est sauvée
en particulier en sortie du serveur. La cible privilégiée des services qui tirent
parti du multicast (diffusion de programmes de télévision ou de radio, diffusion
événementielle, télé-enseignement...) est celle du marché grand public.
Deux étapes dans le multicast
Il existe en fait deux modèles de services multicast :
· ASM (Any Source multicast model) qui permet à toutes les personnes abonnées
d'envoyer et de recevoir un flux multicast. Ce modèle "de plusieurs à plusieurs"
est particulièrement adapté à la vidéoconférence ;
· SSM (Source Specific multicast model) qui ne permet la diffusion qu'à partir
d'une source vers plusieurs destinataires ("de un vers plusieurs"). Le modèle
SSM est plus particulièrement destiné à la diffusion en direct (par exemple
de radios ou de télévisions sur l'internet).
Le modèle ASM date de 1985, mais depuis l’internet a fortement grossit pour atteindre 800 000 terminaux en 1991 et bien plus encore à la suite de l'explosion due au web en 1994. Ce protocole permet de résoudre de manière élégante une partie des problèmes rencontrés : les paquets multicast transportés ne sont plus identifiés seulement par leur adresse multicast de destination (l'adresse de groupe) mais aussi par l'adresse de la source à laquelle les destinataires peuvent s'abonner, ce qui résout par exemple le problème de l'interconnexion des domaines multicast (il s’agit d'un modèle qui s'appuie sur la notion de "canaux" où l’adresse de groupe joue un rôle de sélecteur de canal).
Par rapport à ASM, le modèle SSM ne permet plus la diffusion "de plusieurs à plusieurs". En contre-partie, il est bien plus simple à mettre en oeuvre que le modèle ASM et résiste mieux aux attaques par déni de service grâce à des capacités de filtrage.
Pour en savoir plus
Le protocole IPv6 intègre le multicast comme une extension. On trouve
une version v6 de PIM et l'équivalent IPv6 d'IGMP est MLDv1 (Multicast
Listener Discovery) décrit dans le RCF 3590 (voir la fiche d’expertise
"IPv6 et l’adressage" : http://www.fing.org/index.php?num=1894,2) |
Tout est prêt mais le multicast n’a pas décollé
Les outils existent pour mettre en œuvre le multicast : le noyau de Windows
intègre le multicast depuis Windows 95 et les grandes applications sont compatibles
avec le mode de transmission muticast (Real Player, Windows Media ou encore
IP/TV ou CUSeeMe). Beaucoup de routeurs supportent le multicast. Même s’il est
nécessaire de traverser des parties du réseau qui contient des routeurs qui
n'activent pas de fonctions de traitement de trafic multicast, il est toujours
possible de faire des tunnels. 20 fournisseurs d'accès internet français revendiquent
le support du multicast et la plupart font du peering MSDP pour permettre
l'échange d'informations relatives à des sources de diffusion multicast actives
dans le réseau Internet.
Pourtant, l'utilisation du multicast est restée marginale. Seuls 2 à 3 000 groupes sont utilisés dans le monde. Outre les difficultés techniques pour déployer un réseau multicast (les routeurs les plus proches des utilisateurs - xDSL, FTTx ou Wi-Fi - ne supportent pas toujours le multicast), cela est principalement dû au manque de modèles économiques fiables qui empêchent les opérateurs de lancer une mise en oeuvre à grande échelle. De tels modèles devraient prendre en compte les interactions entre les trois acteurs : le fournisseur de contenu, le fournisseur d'accès et les utilisateurs finaux. Une des difficultés vient de ce qu'une source de diffusion multicast ne connaît ni le nombre ni l'emplacement des récepteurs intéressés à recevoir le trafic qu'elle émet à un instant donné (le flux de données est émis globalement comme en radio par exemple et non plus envoyé séparément à chaque destinataire comme en unicast).
De nouvelles propositions pourraient permettre d'améliorer le service multicast
tout en lui permettant de trouver son modèle économique : estimation ou qualification
du nombre de récepteur (proposition MSNIP), accessibilité quelque soit le point
de raccordement sur Internet (proposition AMT), confidentialité des informations
véhiculées (groupe msec et proposition GDOI), identification et authentification
des abonnés par le fournisseur de service comme c’est le cas déjà pour la télévision
(par exemple avec Canal plus ou bien encore les bouquets satellitaires), filtrage
et protection contre divers types d'attaques, outil de comptage et de facturation
de flux multicast... .
Quel multicast demain ?
Le modèle SSM de multicast passe mal à l’échelle. Il fonctionne bien
actuellement de façon marginale sur IPv4 et plus complètement sur le réseau
IPv6 mais ce dernier ne comprend aujourd’hui qu’environ 3 000 routeurs. Il ne
semble pas facile de le déployer complètement sur un réseau très grand (en particulier
sur les portions d'accès du réseau) à moins de limiter le nombre de sources
(et donc le nombre d'arbres de distribution).
Lorsque l'on a de nombreux flux multicast qui circulent sur un très grand réseau, on constate que quelques routeurs dans les cœurs de réseaux doivent encaisser la majorité des flux multicast et créent des goulots d'étranglement. Les nœuds saturés ne sont pas toujours les mêmes et dépendent d'applications dont on ne connaît pas encore l'impact sur le réseau (car elles n'existent pas encore !). Les travaux de recherche continuent pour mieux gérer ces aspects (par exemple l'agrégation des différents flux multicast dans un même routeur ou l'agrégation dans des tunnels).
Il semble cependant que même avec IPv6, le multicast ne devrait pouvoir se mettre en œuvre à grande échelle qu'avec un nombre de sources limitées (réservées à quelques grands médias ?). Pour les autres, les routeurs terabits dans les coeurs de réseaux et l'augmentation régulière de la bande passante disponible devrait apporter une solution, mais les très nombreuses petites sources devront peut être se contenter de l'unicast, plus cher que le multicast en bande passante consommée. A moins que les recherches en agrégation de flux ne permettent de faire une place pour les petits médias (radios locales, télévisions participatives…) dans le "Paysage audiovisuel multicast".