Page principale - S'identifier - Contact

Téléchargez gratuitement mes conseils personnalisés

 Cliquez sur le type votre communauté (ou le type de communauté que vous souhaiteriez créer) et téléchargez un document de 40 pages avec des questions et des conseils (un peu comme les livres dont vous êtes le héro)
Communauté territoriale : votre communauté est ouverte à tous et se runit principalement en présentiel
Communauté thématique :votre communauté est ouverte à tous et échange principalement à distance (visios, réseaux sociaux, forums...)
Communauté transversale : votre communauté est réservée aux membres de votre organisation pour faciliter la transversalité
Communauté de client : Votre communauté est réservée aux clients de vos produits ou services pour faciliter leur engagement (par exemple une formation en ligne)

Compte rendu du séminaire gouvernance et usages d'Internet à Montréal

Version imprimable

Sommaire

Programme de recherche franco-québécois COREVI

(Coopération en Réseau Via Internet)

Direction de programme :
Québec : Serge Proulx – France : Bernard Conein, Françoise Massit-Folléa

GOUVERNANCE ET USAGES D’INTERNET

Vers un nouvel environnement normatif ? 

Séminaire ouvert

Montréal – 10 décembre 2001

COMPTE RENDU

Jean-Michel Cornu

 

Introduction

Ce séminaire ouvert était organisé dans le cadre du programme de recherche COREVI (Coopération en Réseau Via Internet), qui réunit une vingtaine de chercheurs au Québec et en France dans le cadre de la coopération franco-québécoise.

Son objectif est de réfléchir conjointement sur l’émergence de nouvelles normes liées à la mondialisation de l’internet. Le nouvel environnement normatif est fait de lois mais aussi de contrats et d’usages. A la différence de la loi, la norme (sociale ou technique) ne se décrète pas : elle se constitue progressivement à travers les pratiques interindividuelles et devient la convention qui guidera les pratiques futures jusqu’à l’apparition de nouvelles normes qui transformeront les anciennes.

Ainsi, le cercle des créateurs de normes est toujours plus large que celui des législateurs. La prise en considération de trois types de normes – juridico-politiques, mais aussi techniques et sociales – apparaît donc comme une approche pertinente pour sortir du dilemme dans lequel nous place cette question essentielle : peut-on légiférer à propos de l’internet ?

En effet, l’appareil législatif d’un état ne fournit pas les instruments suffisants à la régulation d’un dispositif socio-technique se jouant des frontières habituelles. Aujourd’hui, parlements, tribunaux, organisations internationales et autorités de régulation de tous niveaux sont confrontés à la nécessité de repenser l’articulation de leurs compétences. Pour penser la question de la gouvernance de l’internet, il apparaît fécond de considérer les pratiques et les usages qui fondent la création et la diffusion de nouvelles normes.

Le programme de recherche COREVI comporte trois volets principaux :

  1. Les conditions d’une gouvernance démocratique de l’internet
  2. La politisation des usages de l’informatique libre
  3. L’émergence d’une culture numérique chez les jeunes internautes

1  Gouvernance et régulation de l’internet

1.1 Régulation de l’Internet : quelle place pour les usagers ?

Françoise Massit-Folléa, Ecole Normale Supérieure, Lyon, coordinatrice française COREVI

Les différents types de régulation

On se pose en général deux questions de base :

  • Est-ce que l’internet est une zone de non droit ?

Est-ce que l’Internet doit être l’objet d’une législation spécifique ?

Deux aspects sont à traiter lorsque l’on parle de la régulation

  • La régulation des contenus
  • La régulation des architectures techniques de réseau

On peut distinguer quatre types de positions :

  1. La régulation d’Etat : on peut utiliser les lois nationales ou en créer des nouvelles
  2. La régulation nationale et internationale au travers d’institutions existantes (par exemple : au niveau national FCC & CSA ou au niveau international UIT ou WIPO, etc.)
  3. L’autorégulation : Il n’y a pas besoin d’une régulation d’Etat, faisons confiance à la netiquette et à des chartes de bonne conduite. Cette position qui est plutôt celle des activistes du réseau est partagée (avec des objectifs différents) par le monde industriel
  4. La « co-régulation » : C’est une notion hybride qui allie régulation d’Etat et autorégulation. Il s’agit d’une recherche d’alliance entre les pouvoirs publics, les entreprises et la société civile. La co-régulation n’est pas simplement une spécificité française : par exemple la création de l’Icann au niveau international repose sur cette approche (Icann qui gère les adresses internet – les numéros IP – et les noms de domaines est de fait le seul lieu de « centralisation » dans l’Internet.)

Aucune de ces quatre réponses prises isolément n’est satisfaisante :

  1. Avec la régulation d’Etat, comment gérer les conflits entre les législations différentes dans les pays ?
  2. La régulation au travers d’institutions nationales et internationales existantes pose un problème de spécialisation à cause des aspects très horizontaux de l’Internet et de la spécialisation des organismes existants (WIPO, OMC…)
  3. Dans le cas de l’autorégulation, quel arbitrage est pertinent en cas de conflit entre des intérêts et des valeurs ? Est-ce que ce sont les avocats qui vont régler les choses, et à quel prix ?
  4. Les organismes de co-régulation posent le problème de la légitimité de leurs représentants. Quel est alors leur pouvoir réel ?

Il y a donc une impasse à ne proposer qu’un seul type de régulation. Pour aller plus loin, il faut se poser deux autres questions :

  • Est-ce que la régulation de l’internet doit être de l’ordre de la technique ou de la politique ou encore des deux ?
  • Comment les usagers peuvent-ils jouer un rôle pour développer les règles de l’internet ?

Ces questions permettent de situer les questions de gouvernance de l’internet dans l’équilibre entre les différents types de régulation associés aux normes techniques et aux pratiques et usages. Il ne faut pas cependant considérer les usages comme indifférenciés : on peut distinguer par exemple les usages dans le commerce électronique des usages dans le domaine public. L’analyse suivante considère plus particulièrement le deuxième champ, même si la sphère commerciale interfère très souvent avec lui.

Deux exemples très contrastés révèlent une problématique commune : le procès Yahoo et les élections du comité At large membership de l’Icann.

Le cas Yahoo

Petit rappel des faits :

  • Le 11 Avril 2000 deux associations françaises portent plainte contre Yahoo pour la mise en vente sur son site d’enchères d’objets Nazis.
  • Le 20 novembre 2000, en France, le juge Gomez ordonne à Yahoo de trouver un moyen d’empêcher l’accès des internautes français aux pages concernées
  • Le 21 décembre 2000, Yahoo refuse de se plier à la décision mais entre temps le site est devenu payant (on n’est plus dans le même cas). Yahoo fait appel auprès d’un juge américain.
  • En novembre 2001, le juge californien Jeremy Fogel casse le jugement français et considère que Yahoo n’a pas à s’y plier.

Le différent franco-américain est dû à une conception différente de la liberté d’expression et du bien commun. Mais ce qu’il faut retenir est la décision originale choisie par le juge français :

Il a demandé l’avis de trois experts internationaux de l’internet. Ceux-ci après de nombreux débats internes, ont estimé que l’on peut filtrer des contenus pour un pays particulier et que le taux de réussite serait d’environ 80%.

Le juge a alors condamné Yahoo à mettre en place des filtres, sous peine d’amende, en acceptant qu’une règle de droit ne soit valable qu’à 80 %. Pour la première fois on accepte un « droit mou. »

Le cas Icann

Les élections du « At large membership » de l’Icann en 2000 devaient permettre une représentation des usagers par l’élection d’internautes du monde entier.

Le processus électoral a mis à jour des lacunes immenses. « Nous sommes là devant les leurres d’un processus démocratique mondial. »

Les internautes élus ont finalement été choisis pour leur niveau d’expertise. Il s’agit d’une méritocratie plutôt qu’une démocratie.

Au final, le nouveau comité manque de représentativité et de légitimité et donc d’efficacité. La controverse continue sur les pouvoirs réels de l’At Large Membership d’Icann.

Conclusion

Une approche équilibrée de la gouvernance nécessite un renforcement de la représentativité des utilisateurs.

Il est nécessaire de faire un travail approfondi sur

  • démocratie et censure,
  • démocratie et territoire,
  • démocratie et technologie,
  • lien entre processus et finalités.

Questions

Qu’est ce qu’un usage citoyen (il y a un grand problème au Canada avec ce terme), inclut-il une possibilité de controverse ?

Oui, il inclut des possibilités de contestation mais pas uniquement dirigée contre l’Etat. Il peut s’agir, par exemple, d’une contestation contre la marchandisation de l’internet. L’usage citoyen est une fidélité à l’héritage communautaire du réseau. C’est aussi une notion plus créatrice, une recherche de nouvelles solidarités (plus qu’un mouvement anti-mondialisation, il faudrait parler de mouvement « pour une autre mondialisation. »)

L’Autorégulation s’exprime principalement dans le monde des affaires. Comment est prévue l’intégration des contraintes économiques ?

Le monde des affaires est une autre manière d’envisager les choses. Il est éminemment déterminant mais c’est un champ qui n’a pas été pris en compte dans cette présentation pour se concentrer sur les usagers. Cependant lorsqu’on « le sort par la porte il rentre par la fenêtre. »

Par exemple, Yahoo dit ne pas pouvoir filtrer les pages accessibles aux français, mais il sait très bien faire des bannières pour les lecteurs francophones. Par ailleurs la pornographie enfantine et avec les animaux, la cigarette et même les vêtements usagés avaient déjà été retirés des pages d’enchères car ils ne correspondent pas à la législation ou à l’opinion publique américaine.

L’univers des échanges médiatiques est très marqué par les règles en vigueur dans le monde des affaires et les mécanismes d’Icann amplifient ce fait. Depuis qu’Icann travaille sur la transparence et la lisibilité du monde de l’Internet, on a l’impression que c’est l’inverse qui est en train de se produire.

1.2 Icann : Créé pour la coopération et prêtant à controverse dans les faits

Slavka Antonova, Doctorat en Communication, Concordia University, Montréal

L’Icann, chargé de la gestion des adresses internet et des noms de domaines a, depuis sa création, suscité beaucoup de critiques et de controverses. Il s’agit pourtant du principal élément devant assurer la stabilité de l’architecture Internet. L’Icann n’a pas réussi à mettre en place un processus démocratique, ce qui était aussi son défi pragmatique.

L’Icann a été mis en place comme une organisation privée avec pour but de protéger la stabilité du réseau et de favoriser la concurrence. Il devait établir et maintenir un consensus par une approche « de bas en haut. »

Il s’agit en fait de la réponse du Département du Commerce américain au développement rapide de l’Internet.

Les fournisseurs d’accès Internet par exemple sont très mécontents de l’avancement trop lent des travaux. Seuls 7 nouveaux noms de domaines génériques de premier niveau ont été ouverts (GTLD).

Devant les difficultés d’avoir rapidement des résultats efficaces, l’Icann a transféré une grande partie des décisions des comités à la petite équipe dirigeante qui n’a pourtant pas de légitimité à décider pour l’ensemble des acteurs.

En conclusion, l’Icann peut être vu comme une expérimentation pour des nouvelles formes de gouvernance. Elle a mis à jour deux visions concurrentes du management des noms de domaines de premier niveau :

  • Une vision démocratique (basée sur la légitimité)
  • Une vision technocratique (qui permet l’efficacité)

Cependant, la légitimité des décisions doit être prise en compte au même titre que l’efficacité. Lorsque l’on doit se concentrer sur des résultats rapides, qui est en position d’influer sur les décisions ? Actuellement, des acteurs internationaux ne sont pas pris en compte. Le processus coopératif est lent mais nécessaire pour acquérir une légitimité.

On voit apparaître un nouveau type d’organisation internationale. L’expérience de l’Icann n’est pas complètement comprise. Elle montre que le succès devrait être mesuré à l’obtention de décisions coopératives et non simplement à l’obtention rapide de décision efficace.

Il faut se poser la question du poids de la légitimité par rapport à l’efficacité

1.3la politisation inhérente à l’usage. Examen de figures contrastées du bien commun déployées dans le maniement de logiciels

Nicolas Auray, Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications, Paris

  La place de la politisation dans les usages

Denis Diderot dans un texte de 1772 « Regrets sur ma vieille robe de chambre », montre bien (sous une forme humoristique) les liens que les utilisateurs peuvent avoir avec les objets :

  • Au début du texte il s’agit d’une prothèse magique qui peut servir à tout : « Un livre était couvert de poussière, un pan se présentait pour l’essuyer… »
  • Puis, il la représente comme une compagne : « J’étais l’ami de ma vieille robe de chambre … »
  • Il devient ensuite moraliste en l’identifiant à un vaccin contre l’orgueil
  • Enfin, il explique pourquoi il a décidé de changer de robe de chambre par excitation pour la nouvelle qu’il compare à une maîtresse : « Avec le temps les dettes s’acquitteront… »

De la même façon, l’usage est au carrefour de plusieurs modes :

  • un registre de maniement où l’objet se réajuste au gré des modifications
  • un registre émotionnel
  • un registre moralisateur (indignation critique)

Il s’agit d’étudier ici comment on peut systématiser la compréhension de ces épanchements émotionnels. Lors de troubles, les critiques conduisent à développer une position politique.

Or, la place de la politique dans l’usage oscille entre

  • une absence complète (la plupart des travaux classiques de sciences sociales considèrent qu’il y a une contradiction entre usage et politique, par exemple dans le cas de consommation passive de programmes de télévision)
  • Et une systématisation (dans l’informatique libre l’utilisateur est inséparable du « justicier »)

La place de la politisation dans les usages oscille entre le zéro et l’infini. Quelle distance maintenir entre ces deux concepts ?

  Les grands modèles de compréhension des usages

On peut distinguer quatre grands modèles de l’usage, mais aucun ne prend en compte complètement la dimension de politisation que l’on retrouve par exemple dans le logiciel libre :

-  Pour Marcel Maus l’usage est une coutume (Il s’agit de l’intériorisation de la tradition.) Il est donc soustrait à un recul critique.

-  Pour Max Weber l’usage est avant tout fonctionnel, il n’y a donc pas de politisation.

-  Pour A. Hirschman l’usage est associé à la consommation. Il s’agit d’un retrait dans le privé. Il peut y avoir des périodes de critiques mais elles se succèdent avec les périodes de consommation et ne sont pas simultanées

-  Pour d’autres auteurs tels que Laurent Thévenot, l’usage est associé au maniement. Il représente une mémoire distribuée avec des ajustements qui se font de proche en proche, par tâtonnement. Il existe bien des troubles mais ils restent à un bas niveau et le rapport au politique y est différent des autres modèles (à partir de la dimension intime de la personne). Pour Michel Foucault et Pierre Bourdieu, l’usage est également perçu comme un maniement mais pour mieux pointer l’absence de trouble. Ainsi, comme le souligne Marc Breviglieriet, ce quatrième modèle est souvent délibéremment oublié alors qu'une analyse pragmatique de l'usage doit recouvrir l'ensemble de ces quatre modèles.

Le modèle de la politisation des usages

Il s’agit ici de proposer un autre modèle à partir de la notion de maniement, en analysant les émotions positives ou négatives qu’il génère, qui peuvent conduire à une position plus politique de l’utilisateur.

Le mouvement du Logiciel libre est utile pour constituer une grille d’analyse. Il faut cependant prendre garde de ne pas faire la même erreur que de nombreux militants du logiciel libre qui associent les émotions positives ou négatives à un support.

Dans le modèle proposé, une grande partie du temps est passé à réduire des troubles liés au maniement. Ce sont eux qui génèrent des réactions plus politiques. Ils se répartissent en trois types en fonction du temps :

  • Exploration : inquiétude ou excitation (futur)
  • Maniement : irritation ou jubilation (présent)
  • Attachement : nostalgie ou proximité (passé)

Ces émotions ont été étudiées au travers de retours d’expériences et de récits d’utilisateurs sur les listes de discussion.

Par exemple dans le cas de verrous logiciels, on trouve deux émotions négatives : l’irritation au présent mais aussi l’inquiétude par rapport au futur. Lorsque le logiciel dissimule des codes mouchards cela est perçu comme un danger sur les possibilités d’utilisation futures.

  • L’irritation (présent) est souvent exprimée sous une forme ironique : il existe par exemple un rite des écrans bleus (sous Windows NT, un plantage général se traduit par un écran tout bleu) qui consiste à se dévoiler les uns les autres les failles d’un logiciel. Il s’agit même d’un élément structurant du monde du logiciel libre.
  • L’inquiétude face au futur fait plutôt l’objet de scénarios de fictions dramatisant les menaces.

Chaque domaine (logiciel, internet…) génère différents types de troubles qui conduisent à des réactions plus politiques. Dans le cas du logiciel par exemple :

  • Futur (inquiétude) : mouchards Windows
  • Présent (irritation) : verrous au portage
  • Passé (nostalgie) : contrat de non-divulgation

Le modèle proposé de la politisation des usages est un modèle pragmatique de l’usage, basé sur l’épreuve. C’est une alternative à deux autres modèles :

Celui de la logistique des supports proposé par Latour et celui de la focalisation sur les interfaces (« sémiophanie de l’usage »), basé sur la notion de surface, proposé par Yves Jeanneret.

Les diverses facettes de l’usager

La politisation de l’usage est un élément important à ajouter aux notions déjà connues de l’usage. On peut considérer trois grandes facettes de l’usager :

  • L’usager est un bidouilleur : c’est l’aspect « maniement » de l’usage
  • L’usager est un individu : il agit selon un contrat
    (par exemple lorsqu’il surfe sur l’internet)
  • L’usager est un Justicier : lorsque son usage se double d’une attitude politique

Alors que la plupart des analyses ne se concentrent que sur le maniement et/ou sur le contrat passé par l’usage, le mouvement du logiciel libre, au contraire ne se concentre que sur le troisième aspect, la politisation.

Il faut pour comprendre l’usager prendre en compte ces trois facettes dans l’usage. La dignité de l’utilisateur est de pouvoir circuler dans ces trois mondes.

Question

La dimension politique semble moins explorée dans l’internet que dans le mouvement de l’informatique libre.

Il existe des usages face aux codes, aux logiciels et aux contenus (l’internet )

Le monde du libre a déjà travaillé à transporter les licences qu’il utilise pour le code vers les deux autres registres et en particulier les contenus.

Il m’a également semblé retrouver les mêmes émotions positives et négatives dans les différents domaines. C’est le dosage entre ces trois émotions qui change (inquiétude, irritation, nostalgie)

1.4 Internet et la protection des mineurs

Mariko Kushima, doctorat en communication, Université de Bordeaux III

Il existe deux types de contenus (et de pratiques) qui posent problème

  • Les contenus appelés illégaux (au Canada) ou illicites (en France et en Europe). Ils sont interdits par la loi.
  • Et les contenus appelés offensants (au Canada) ou préjudiciables (en France et en Europe). Ceux-ci ne sont pas interdits par la loi, même s’ils peuvent causer un préjudice

  Quelles différences entre les pays face aux contenus illicites ou préjudiciables ?

Ces types de contenus ne préoccupent-ils que certains états ou tous les états ? Il y a en fait de grandes différences :

  • En fonction de la fracture numérique entre les pays (Les pays les moins avancés préfèrent souvent privilégier le développement de l’infrastructure, le problème des contenus illicites ou préjudiciables n’est en général pas dans leur agenda politique)
  • Il y a des interprétations différentes de la notion de liberté d’expression suivant les pays (En Corée du Nord il n’y a pas de connexion Internet. Au Vietnam, il faut faire une déclaration au Ministère de l’intérieur. L’Arabie Saoudite quant à elle, essaie de filtrer les contenus). La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a par exemple été réécrite dans différentes régions (Dans les pays arabes, la liberté d’expression s’arrête là où elle pourrait porter atteinte à l’Islam).

Dans les pays limitant la liberté d’expression, il n’y a souvent pas de différenciation entre les mineurs et les adultes dans l’utilisation des réseaux. Au contraire, plus un pays laisse de liberté aux adultes, plus il faut protéger les enfants. Ces choix influencent la politique des différents pays sur l’internet.

  Les politiques envers les familles et les écoles en France et au Canada

Plus un Etat met en œuvre une politique de développement du réseau pour les familles et les écoles, plus il est confronté au problème des contenus illicites et préjudiciables.

Pour ce qui est des écoles et les foyers, la mobilisation du secteur privé est

  • Faible en France : partenariat privilégié avec France Telecom et appel à communication de la DATAR (direction de l’aménagement du territoire)
  • Forte au Québec : programme « ordinateurs pour les écoles », initiative « Rescol » (toutes les écoles et bibliothèques publiques sont connectées à l’internet en mars 1999), « branchons les familles »

Au niveau de la régulation, la France et le Canada ont une conception similaire du droit :

  • « L’espace cybernétique n’est pas une terre sans loi » (Canada)
  • « L’internet ne constitue pas une zone de non-droit » (France)

Mais le Canada a fait le choix de l’autoréglementation alors que la France a choisi la Co-régulation. Par exemple, le CRTC canadien renvoie à des normes auto-réglementaires alors que le CSA français est davantage concerné par les questions d’éthique (par exemple la création d’une signalétique sur les films diffusés à la télévision.)

  Les conseils et guides pour les parents, une alternative ?

Une approche « Soft law » consiste à proposer des conseils et des guides pour les parents

  • La France a lancé le site « familles en ligne » (qui rassemble l’Etat, le secteur privé et les associations sur l’initiative du ministère concerné)
  • Au Canada on trouve le « guide pour les familles » produit par l’Etat et les « conseils aux parents » proposés par le secteur privé (Association Canadienne des Fournisseurs Internet – ACFI ; Réseau Education-Médias)

Ces conseils peuvent êtres très variés et sont souvent communs entre les guides :

  • Installer l’ordinateur dans une pièce commune
  • Interdire la transmission de données personnelles
  • Interdire la rencontre physique avec les internautes
  • Guider l’enfant, dialoguer et/ou surfer avec lui
  • Rencontrer d’autres parents internautes
  • Etc.

Il existe également des conseils donnés aux enfants :

  • Egalement sur le site de « familles en ligne » en France
  • Ou la « promesse du jeune internaute » de l’Association Canadienne des Fournisseurs Internet (AFCI) au Canada

Pour ce qui est des filtres (contrôles parentaux), leur usage n’est pas très répandu au contraire des USA. La société et son logiciel « CyberPatrol » est en train d’acquérir un quasi-monopole de fait en rachetant des sociétés dans les divers pays. Cela n’est cependant pas aussi préoccupant qu’il n’y paraît, grâce aux initiatives publiques prises dans les pays.

  Convention sur la Cybercriminalité

Un premier traité international sur les infractions pénales commises via l’internet a été ratifié le 23 novembre 2001 par 26 Etats sur l’initiative de l’Union Européenne. Il condamne la pornographie enfantine alors qu’il n’y a pas eu d’accord sur la discrimination raciale. Il s’agit d’un conflit entre la France et les Etats-Unis sur la conception de la liberté d’expression.

Cet exposé offre des pistes quant aux conditions nécessaires pour élaborer une régulation démocratique des contenus illicites et préjudiciables sur l’internet :

  • la capacité de l’Etat, des acteurs privés et des associations à mobiliser leurs capacités pour sensibiliser les utilisateurs, aussi bien les parents que les mineurs
  • la capacité de l’Etat à corriger les éventuelles défaillances de l’autorégulation (par exemple : la politique visant à promouvoir des filtres adaptés dans les Etats où l’on observe des carences de marché)
  • la capacité de communication horizontale entre les différents acteurs (possibilité d’élaborer des normes en commun, collaboration)
  • et au niveau international, la capacité des Etats à trouver un consensus et élaborer des traités

1.5 De la réglementation à la régulation : la gouvernance des communications à l’ère Internet

Marc Raboy, département de communication, Université de Montréal

  De la réglementation au retour à la régulation dans les communications

La gouvernance d’Internet s’insère dans la problématique plus large de la gouvernance de la communication. Chaque nouvelle évolution technologique (qui n’est pas une révolution) transforme la problématique.

Il y a trois ères :

  1. Avant, une ère basée plutôt sur la régulation (plus axée sur des coups de force que sur des règles codifiées qui caractérisent la réglementation)
  2. Puis la radio et la télévision ont été plus basés sur la réglementation
  3. Avec Internet on devrait pouvoir démontrer un retour vers la régulation

Selon Pierre TRUDEL, juriste québécois :

  • La régulation est « ce qui assure le fonctionnement correct » (aspect normatif)
  • La réglementation est « l’activité consistant à énoncer dans des textes codifiés des obligations formelles sur des sujets de droit » (aspect instrumental)

On utilisait jusqu’à présent plutôt le sens anglais : la réglementation étant une activité gouvernementale qui vise à encadrer l’activité des opérateurs.

  Le nouveau paradigme de l’abondance

L’espace public de communication constitue un bien public. La rareté des fréquences a été la justification de la réglementation. Est-ce toujours un enjeu fondamental ?

« Avec les NTIC on doit remplacer le paradigme de la rareté par un nouveau paradigme de l’abondance ».

Cette notion d’abondance doit être au cœur des questions de gouvernance de l’Internet. Mais ceci ne règle pas les questions de comment ou quoi réguler.

  Une cartographie de l’environnement mondial des communications

Jusqu’à présent, il y avait deux modèles de communication

  • La radiodiffusion (basée sur l’accès aux contenus)
  • La téléphonie (basée sur l’accès aux moyens)

Le défi de la régulation est de trouver un modèle pour les inforoutes. Le problème est de savoir où situer internet. Pour cela on peut s’aider d’une cartographie de l’environnement de communication.

Les instances internationales spécialisées

-  télécommunications : Union Internationale des Télécommunications - UIT

-  Culture : Unesco

-  Commerce : Office Mondial du Commerce - OMC

-  Développement : Banque Mondiale

-  Satellite : Intelsat, etc.

-  Propriété intellectuelle : Institut Mondial de la Propriété Industrielle - IMPI

-  Droit de la personne : Organisation des Nations Unies - ONU

-  Et Internet ? (trop horizontal il est réparti dans les différents organismes)

Les clubs internationaux

-  Société de l’information : G8

-  Industrie : OCDE

Les instances nationales (l’internet les traverse toutes également)

Les affaires transnationales

-  organismes de standardisation et normalisation : Icann, ISO, ITU-G

La société civile internationale :

-  ATTAC,

-  Les médias alternatifs : IMC (Independant Media Centers), AMARC (Radio), Videazimut (vidéo)

-  APC (Internet)

-  plate-forme de Londres

-  PCC

-  Etc.

Enjeux sans frontière

(en fait les thèmes « sans abris », qui n’ont pas d’organisme de régulation)

-  La réglementation des médias à l’échelle internationale

-  La création des médias publics à l’échelle mondiale

- 

  Remarque de la salle

L’environnement n’est absolument pas stabilisé et cela rend nécessaire de faire évoluer les catégories en continu et rend cette catégorisation absolument importante

Réponse : « Ce sera plus facile pour les historiens du XXIIème siècle mais ce type d’exercice est important dans la mesure où des enjeux sont entrain de se résoudre »


2  usages de l’internet

2.1 Nouvelles formes d’expression chez les jeunes internautes : pratique du « chat » et contrôle-construction d’un cadre normatif d’usage

Guillaume Latzko-Toth : Groupe de Recherche sur les médias (GRM), Université du Québec à Montréal

Qu’est-ce que le chat ?

Le « chat » (on parle au Québécois de « clavardage ») est un mode de communication synchrone. Au sens strict on réserve le chat aux dispositifs basés sur le texte par rapport à l’audio ou la vidéo conférence.

En France, le minitel a été le lieu d’expérimentation du « bavardage en ligne ».

Il existe plusieurs mécanismes de chat. Ils sont souvent indifférenciés pour l’usager car recouverts par une interface Web qui rend la technologie invisible.

  • Le canal IRC (Internet Relay Chat) est le mécanisme le plus connu.
  • Il y a également la possibilité de ne pas avoir de logiciel spécifique en utilisant le navigateur. On parle alors de « webchat » ou de « bavardoir ».
  • Les messageries instantanées ont l’ambition de regrouper un éventail de fonctionnalités, dont le chat (ICQ, AIM, MSN Messenger, Yahoo messenger, Odigo…). Il y a une guerre entre des solutions incompatibles : l’usager doit se multi-équiper.

Mais il est plus structurant de distinguer :

  • Les chats collectifs (les salons de discussion) : tout le monde peut accéder à la discussion
  • Les chats personnels (par exemple les messageries instantanées) : on pré-inscrit une liste de personnes. Cette approche facilite en particulier le dialogue deux à deux Les plus gros utilisateurs sont les plus jeunes (12-18 ans)

  L’utilisation du chat par les jeunes

Une étude sur 10000 jeunes de 12-24 ans venant de 16 pays montre que 72% ont déjà accédé au chat et 60% chattent régulièrement via ICQ

L’IRC est devenu un paradigme. Les autres logiciels se réfèrent à l’IRC dans la façon de présenter les interactions.

  Comment marche l’IRC ?

L’IRC s’est développé de façon collaborative à partir du début 1988 en Finlande. Il s’agit d’une co-construction par les usagers.

L’IRC (Internet Relay Chat) n’est pas centralisé mais fonctionne au contraire par relais de serveurs pour donner l’illusion aux usagers qu’ils sont sur le même espace de communication. On ne parle pas de salon de discussion mais de « canal » dans la terminologie IRC.

Il existe trois types d’usagers :

  • L’usager lambda : « luser » (peut-être un jeu de mot sur « looser » pour désigner celui qui ne peut pas contrôler la discussion)
  • L’opérateur : « op » (il était avant appelé opérateur de canal – « chanop ». Mais il a pris de plus en plus d’importance et son nom s’est raccourci.
  • Le superopérateur : « IRCop » qui gère un système de canaux IRC (basé probablement également sur un jeu de mot : « cop » - le « flic » en anglais)

On communique avec les autres usagers mais également avec les serveurs pour leur adresser des commandes. Par exemple :

  • “kick” pour exclure un participant
  • “ban” pour l’exclure définitivement d’un canal (réservé aux chanops)
  • “kill” pour l’exclure du système IRC (réservé aux IRCops)

Dans le principe de base de l’IRC, le canal disparaît lorsque plus personne n’est dessus. Mais des chanops ont souhaité conserver leur « propriété » et ont placé des automates, les « bots », pour garder la place. Maintenant cela change.

  La régulation des canaux IRC

On peut voir (ou changer suivant son statut), les paramètres du canal (les modes).

Un canal par exemple peut être modéré. Dans ce cas, seuls des participants choisis, les « voix », ont le droit de parler sur le canal. Les autres devant se contenter d’écouter.

Sur le canal, une partie de la régulation est automatisée par l’utilisation de bots. Ceux-ci sont en général plutôt stupides. Par exemple il est en général interdit de faire de la publicité pour un autre canal dans une discussion par peur de dépeupler des canaux existants au profit de nouveaux. Si quelqu’un tape le caractère « # » dans la discussion, il se trouve exclu par le bot (les noms de canaux commencent par #, par exemple #corevi).

La régulation s’exerce à 4 niveaux :

-  les règles propres au canal, la norme locale

-  les règles définies entre le canal et le reste du réseau IRC

-  la norme suivant le type de canal IRC (par exemple la notion de propriété d’un canal)

-  les règles entre l’espace virtuel de l’IRC et l’espace géographique des usagers (exemple : pour arriver à exclure les mineurs de certains canaux réservés aux adultes, on scanne pour voir s’ils sont simultanément sur un canal où se trouvent habituellement des enfants…)

  Conclusions

Contre toute attente, l’IRC s’est révélé adapté aux discussions en très grand groupe (100 à 1000 usagers). Par exemple les automates (les bots) ajustent de quelques unités le nombre de personnes maximum du canal pour ne pas avoir un afflux brusque d’usagers mais permettre progressivement à des utilisateurs de rejoindre le canal.

Il y a un phénomène intéressant à étudier : Pourquoi des individus s’investissent bénévolement parfois 8 heures par jour pour assurer le rôle d’opérateur d’un canal ?

  Questions

Pourquoi les chat-rooms n’ont-ils pas été pénétrés par la réglementation. Est-ce parce qu’ils ne présentent pas d’intérêt public ?

Ils sont parfois surveillés (par exemple au Canada), mais il n’y a pas de politique publique. Il y a cependant une préoccupation des sociétés (ICQ est interdit aux moins de 13 ans). Ce sont cependant principalement les modérateurs bénévoles qui assurent ce travail en échange du statut d’opérateur.

Y a t’il des études sur les réactions des humains faces aux bots ?

Il y a une thèse sur les émotions ressenties par les usagers. Mais il ne semble pas y avoir de thèse exhaustive. Le principe de la délégation d’agence est central dans la constitution d’un cadre normatif.

2.2 L’appropriation d’Internet par les étudiants universitaires : émergence de nouveaux codes de conduite ?

Micheline Frenette département de communication, Université du Québec à Montréal et Jacques Lajoie, département de psychologie, Université du Québec à Montréal

Quelles sont les nouvelles normes de conduite ?

·  Dans la culture numérique

·  Dans la pratique des médias (Internet versus les autres médias)

·  Dans la socialisation

·  Dans l’accès au savoir et à la culture

·  Dans la perception des avantages et inconvénients

·  Dans les relations interpersonnelles

Une étude exploratoire a été réalisée à l'aide d'un questionnaire avec:

·  des étudiants en classe (des étudiants de communication à l’Université de Montréal)

·  des étudiants interrogés via un site Web (des étudiants en psychologie à l’UQAM)

  Les Résultats quantitatifs de l’enquête

-1- La culture numérique :

L’Internet est déjà intégré au mode de vie des étudiants au moment où ils arrivent à l’université (90% branché depuis plus un an, 24% depuis plus de 4 ans). Ils passent une moyenne de sept heures par semaines sur le réseau. Mais ils ont tendance à y passer moins de temps lorsqu’ils sont habitués; ainsi ils cherchent de façon plus efficace. 82% utilisent leur domicile comme lieu d’accès et 33% sont connectés à haut débit (câble ou DSL)

-2- La pratique des médias :

La télévision reste le premier média en importance. Internet est devenu le second.

-3- La socialisation :

Le courriel est l’application la plus utilisée pour des échanges entre amis; 44% contactent ainsi leurs amis au moins une fois par jour.

-4- L’accès au savoir et à la culture

·  L’utilisation de l’Internet pour les études est moins développé : 8% utilisent l’internet dans ce but une fois par jour et 51 % au moins une fois par semaine.

·  Le téléchargement est surtout important pour la musique : 4% téléchargent au moins une fois par jour et 30 % au moins une fois par semaine.

· 

-5- Perception des avantages et inconvénients pour les besoins intellectuels et académiques

Les avantages principaux perçus sont dans l’ordre :

·  La quantité (95%), la diversité (94%), l’accessibilité (95%), la gestion des études (92%), la communication avec les professeurs (89%).

Les inconvénients principaux les plus importants sont :

Le manque de crédibilité 74%, la superficialité 60 %, le plagiat 56 %, l’accaparement du temps 51%

-5- Perception des avantages et inconvénients pour les besoins affectifs

Les principaux avantages perçus sont les contacts avec les amis et les collègues (88%), la famille (68%).

Les principaux inconvénients sont perçus à un moindre degré: risques pour la confidentialité (60%); la froideur et la pauvreté des relations (52%)

-6- Les relations personnelles via Internet

À peine plus de 20 % relatent l’existence de nouvelles relations amicales significatives par cette voie

Mais une majorité constate une augmentation des contacts avec les amis et la famille.

  Le volet qualitatif de l’étude

Contexte.

·  Une vingtaine d'entrevues conduites avec certains répondants du questionnaire.

·  Éclairer la signification des pratiques du volet quantitatif

·  Découle d’une insatisfaction avec une bonne partie de la recherche empirique

Les études sur les usages d’Internet portent souvent sur le budget-temps, la perception des contenus ou les supports techniques. On recherche des variables prédictives (âge, personnalité,...) en lien avec les usages et on tente d’en cerner les effets nocifs ou bénéfiques. En conséquence, on peut qualifier plusieurs de ces études de technocentriques de sorte que les résultats sont vite désuets, vu l’évolution de la technologie. De plus, on peut s’interroger sur la stabilité et le sens des relations observées entre les caractéristiques des usagers et les usages qu’ils font de l’Internet. Enfin, la recherche d’une relation causale unique semble réductrice.

Cadre théorique. Nous avons retenu un cadre théorique qui met plutôt l’accent sur la dynamique du croisement entre les individus et la technologie, le contexte d’émergence des pratiques et les processus interprétatifs qui leur donnent un sens.

L’approche de la construction du sens part du postulat que les êtres humains sont en mouvance constante à travers le temps et l’espace en quête de sens. La technologie s’insère dans cette quête. On passe ainsi du « nom » (rechercher des explications fixes) au « verbe » (chercher à comprendre le processus).

Méthodologie. Les entrevues reconstruisent le narratif de l’insertion d’Internet dans la vie des personnes et organisent leurs réponses en catégories de mouvement universels (planifier, débloquer, observer, etc.).

Quelques résultats. Il y a plusieurs points de départ possibles. Pour certains étudiants, leur compétence Internet devient du jour au lendemain précieuse et recherchée lorsque qu’ils arrivent à l’université. D’autres doivent au contraire « rattraper » leur retard.

En cours de route, il y a plusieurs débats internes. Par exemple, comment Internet aide-t-elle les individus à surmonter des obstacles et dans quelles circonstances Internet devient-il lui-même un obstacle? On trouve en fait les deux cas de figure. L’Internet sert principalement pour rester en contact avec les autres mais il s’agit parfois d’un débat très personnel.

·  Certains se tournent vers Internet pour établir de nouvelles relations

·  D’autres sont inquiets (est ce une fuite de la réalité…)

Les dénouements sont également multiples. Par timidité certains se sont tournés vers l’Internet, d’autres en deuil ont fait un site web à la mémoire du disparu.

·  Dans certains cas l’Internet a donc permis de « débloquer » certaines situations

·  Dans d’autres cas les personnes restent hésitantes et doivent trouver des ressources

  Conclusions

Quelques réflexions sur l’appropriation :

·  Il faut un recentrage sur la personne

·  Les attributs des technologies sont des constructions mentales

·  Il y a un ancrage spatio-temporel

Perspectives pour les études subséquentes:

·  Elargir l’échantillon (à divers domaines d’études)

·  Faire des comparaisons entre différentes cultures

·  Faire des études in situ : au domicile ou au travail

·  Etudier les nouvelles pratiques : échanges gratuits, travail collectif…

2.3 Usages coopératifs, les niveaux d’implication

Jean-Michel Cornu, Fondation Internet Nouvelle Génération, France

Présentation de la troisième partie du livre et du séminaire : « Technologies de l’Information et de la Communication : l’indispensable pour comprendre et décider »

Il s’agit de montrer comment adapter quelques résultats bien connus en SHS dans un discours pour les décideurs (chefs d’entreprise, élus, cadres administratifs).

Il existe deux types d’utilisation :

  • La consommation (passive)
  • L’utilisation active

Si les réactions de consommation sont bien connues et décrites dans les traités de marketing, ce n’est pas le cas de l’utilisation active qui nécessite une implication de l’utilisateur. Celle-ci peut se situer à différents niveaux :

  • L’appropriation : l’utilisateur adapte le produit ou le service à son usage propre
  • « L’outilisation » : l’utilisateur utilise le produit ou le service pour construire un service qu’il va lui-même proposer aux autres (par exemple un site Web en utilisant un accès internet)
  • Le co-développement : l’utilisateur participe au développement du produit ou du service (c’est le cas par exemple dans le logiciel libre).

2.4 Les formes d’appropriation d’une culture numérique comme enjeu d’une société du savoir

Serge Proulx, Groupe de recherche sur les médias, Université du Québec à Montréal, coordinateur général de COREVI

  Qu’est-ce que l’appropriation ?

Il s’agit de traiter de l’acquisition de compétences techniques par le grand public. Pour cela, l’étude des usages humains, constitue une entrée privilégiée.

Il faut bien distinguer l’usage de l’utilisation :

  • L’Utilisation : L’environnement rapproché, le rapport de l’utilisateur au mode d’emploi.
  • L’Usage : Il s’agit du cadre social plus large qui englobe les interactions entre l’homme et la machine mais qui va au-delà. La trajectoire d’usage représente le parcours particulier au long du temps, d’une personne par rapport aux objets qu’elle trouve sur sa route

De même, il faut distinguer l’usage de l’accessibilité ou de l’appropriation :

  • L’Accessibilité signifie qu’une technologie est rendue physiquement disponible
  • L’Usage implique un geste supplémentaire pour adopter cette technologie
  • L’Appropriation constitue le point ultime

Il y existe trois conditions pour l’appropriation :

  • La maîtrise minimale d’un savoir-faire
  • Une intégration sociale significative dans la vie quotidienne
  • La possibilité qu’un geste de création soit permis par la technologie

  La question de la maîtrise d’un savoir-faire technique

Est-ce que la participation active du plus grand nombre d’individus nécessite l’appropriation minimale de savoir-faire ? Si oui, c’est un enjeu primordial pour la société.

La question du fossé numérique prend en compte des critères extrêmement variés tels que par exemple l’age, le capital économique ou la région géographiquement éloignée. Mais l’acquisition de compétences techniques spécifiques constitue également un critère du fossé et pourrait exclure une large part de la population.

Dans une conférence en 1959, Charles Snow explique qu’il y a une séparation entre deux cultures : littéraire et scientifique. Il y a eu une grande effervescence en France dans les années 80 lorsque l’on s’est posé la question des relations entre sciences, technologies et société.

Il y a eu plusieurs approches à la question de savoir comment dépasser ce fossé entre littéraires et scientifiques :

  • En Angleterre : Il y avait la nécessité d’une troisième culture – les sciences humaines
  • En France : On a choisi de vulgariser la culture technique. Cette réflexion s’est cristallisée au moment de la micro-informatique (d’où la notion d’alphabétisation informatique)

Dans les années 80 la gestion de l’infrastructure technique devait être l’affaire des individus humains. Mais on sait aujourd’hui que les ordinateurs peuvent prendre en charge cet aspect. Ces débats ont donc fait long feu car ils se concentrent exclusivement sur l’accessibilité et l’usage. Il manque l’approche d’appropriation qui est le véritable cœur de la problématique.

Pourtant ils ressurgissent aujourd’hui avec l’internet.

  L’objet technique, un partenaire pour l’acquisition de connaissances

Plutôt que d’aborder la question exclusivement sous la forme de la maîtrise du fonctionnement technique, il faut considérer les objets techniques comme des artefacts agissant comme des partenaires dans les taches cognitives.

Il y a donc deux dimensions :

1 L’apprentissage d’un minimum est nécessaire

2 Il y a aussi un développement d’interfaces de plus en plus intelligentes

Par exemple, la maîtrise de la conduite d’une auto est indépendante de la maîtrise de la mécanique de l’automobile. De même, on peut faire de plus en plus facilement l’économie de l’apprentissage de langage de programmation pour circuler dans l’univers numérique.

  Un exemple : peut-on étendre le logiciel libre vers le grand public ?

Il y a plusieurs aspects qui peuvent nécessiter un apprentissage :

-  La maîtrise des logiciels

-  L’apprentissage des manières de communiquer (par exemple avec la netiquette)

-  La sensibilisation à la place de la technique dans la société. Ce pôle souvent manquant est bien illustré dans le monde du logiciel libre. Sa signification culturelle va bien au-delà de la simple reconnaissance du système d’exploitation Linux. Les actions de ce mouvement et la puissance des réseaux de collaboration s’inscrivent dans une « politisation des usages » (cf. Nicolas Auray)

Mais il semble y avoir une contradiction lorsque l’on souhaite étendre le logiciel libre au grand public . Quelle forme prendrait le logiciel libre s’il pénétrait dans le grand public ? Quelle connaissance minimum nécessiterait-il ? Les finalités semblent apparemment inconciliables entre les objectifs du libre et les attentes des utilisateurs ordinaires

Pourtant, cette opposition semble vouloir se déplacer grâce à un croisement (ou hybridation) entre les deux approches :